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Militant Haut-Rhinois du MoDem

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5 juin 2016

le débat Michel Onfray – Alain de Benoist

Exclusif : le débat Michel Onfray - Alain de Benoist

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2 mai 2015

"La véritable démarche démocratique est le maximum, l'excellence, proposés à tous"

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FIGAROVOX - Dans un entretien fleuve à FigaroVox, l'ancien candidat à la présidentielle dénonce le caractère inégalitaire de la réforme du collège, délivre sa vision de l'école, et revient sur son expérience de ministre de l'Éducation nationale.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

Vous avez jugé sévèrement la remise en cause du latin et du grec. Vous avez même dit: «c'est une décision dégueulasse». Qu'est-ce qui vous choque aussi profondément dans cette réforme ?

La proposition de l'école pendant plusieurs décennies a été d'ouvrir aux enfants de toutes origines et de tout milieu le niveau le plus exigeant pour que celui-ci leur serve de viatique, de bagage de route pour la vie. Il faut d'abord se concentrer sur ce qui fait la différence en termes de reconnaissance sociale. Bien sûr, on peut dire que la profession, les revenus, sont une forme de différence très importante, mais ce qui fait la différence principale de reconnaissance, c'est d'abord la langue: la langue comme moyen d'expression, comme moyen d'acquisition de connaissances, comme clef d'appropriation d'une culture. La culture n'est pas seulement l'accumulation de connaissances, mais une sédimentation à travers le temps qui vous permet de comprendre le monde et d'acquérir les instruments précieux pour s'y retrouver. Lorsqu'on pense à ces générations d'enfants issus de milieux matériellement ou culturellement défavorisés, l'école leur ouvrait une voie qui était d'excellence. L'excellence n'était pas réservée à ceux qui avaient les moyens de la recevoir à la maison, mais ouverte à tous ceux qui étaient assez intéressés, assez éveillés pour accrocher leur attention et, pas à pas, faire ce chemin vers la maitrise de l'expression, la maîtrise de la pensée.

Depuis les humanistes de la Renaissance, on sait que la découverte des langues mères (ou des langues étrangères) est une des clefs pour maitriser le secret de la langue. Et voilà que d'un trait de plume, on supprime deux chemins de transmissions: les langues mères, le latin et le grec, et les classes bilingues. Ceux qui ne raisonnent qu'en termes de gestion et d'horaire s'en réjouiront. Pour moi, c'est un attentat contre quelque chose d'extrêmement précieux dont nous avons hérité, contre quelque chose qui est constitutif de notre histoire et de notre pays. Prendre ces décisions sans débat, à travers des commissions si peu représentatives, me paraît d'une légèreté scandaleuse. Cela traduit l'obsession récurrente de certains, au sein de l'Education nationale, de tourner la page de notre patrimoine, de notre héritage culturel.

Quelles seront les conséquences sociales de cette réforme ?

Au téléphone, l'administration ou l'interlocuteur avec lequel vous échangez, au son de votre voix, à la manière dont vous vous exprimez, sait qui vous êtes. Et la maîtrise de la langue, l'emploi du mot juste, la capacité à transmettre une émotion, une colère, un sourire ou une plaisanterie vous donne un statut, vous apporte une reconnaissance - et cela d'où que vous veniez. La maîtrise de la langue vous offre ainsi une clef pour le monde. Et aussi une clef pour lire et traduire vos sentiments et vos émotions. C'est aussi une voie qui permet de faire reculer la violence, qui est si souvent l'expression de ce qui bouillonne à l'intérieur de nous et qu'on ne parvient pas à traduire, à exprimer.

Les mots ont une vie propre, la langue a des racines. Et cette découverte-là est précieuse pour la capacité de rayonnement, d'expression ou de compréhension de l'individu. Elle permet de lutter efficacement contre les inégalités transmises qui existent et sont difficiles à compenser. Si cette réforme aboutit, alors ce chemin d'émancipation sera réservé aux seuls enfants de privilégiés qui auront les moyens de transmettre directement leur savoir, ou de recourir à des leçons particulières ou à des enseignements privés. Bien sûr, ce mouvement vient de loin et comme je le disais traduit l'obsession récurrente de certaines écoles de pensée, au sein de l'Education nationale, qui veulent en finir avec une culture ressentie comme celle des élites. Mais sous couvert de lutter contre l'élitisme pédagogique, elle consacre en réalité l'élitisme social, la constitution d'une élite par la naissance ou par l'argent. Pour moi, c'est à pleurer. Je suis pour que tout le monde puisse accéder à cette exigence élitiste, qu'elle ne soit pas réservée à quelques-uns, mais offerte à tous. La véritable démarche démocratique, ce n'est pas le minimum pour tous, c'est le maximum, l'excellence, proposés à tous.

Vous parlez d' «obsession de tourner la page». A cet égard, que vous inspire les nouveaux programmes, en particuliers ceux d'histoire et de lettres ?

Tout d'abord, je retiens le terrorisme jargonneux, cette incapacité à parler simplement des choses. Je vous cite deux passages du programme de 5e, 4e et 3e, qu'on appelle «cycle 4». «Le principe essentiel de cette progressivité est la notion d'acceptabilité (en fonction des genres, des situations d'énonciations, des effets recherchés et produits), notion qui permet à la fois le lien avec le socle et l'approche communicationnelle développée en langues vivantes.

La progression au cours du cycle 4 veille a approfondir chaque notion, en choisissant les attributs les plus pertinents pour chacune. Il s'agit aussi de construire progressivement chez l'élève une posture réflexive lui permettant de manipuler la langue, de la décrire et de la commenter.» Et plus loin: «Les notions à travailler au niveau du texte dans les productions d'écrit des élèves sont les suivantes: la cohérence textuelle (maitrise de la chaine anaphorique et des substituts nominaux et pronominaux), la cohésion textuelle avec la maîtrise des temps et modes verbaux, l'enchaînement interphrastique (liens logiques), la maitrise du thème et du propos avec un usage pertinent de la ponctuation. Ces notions sont abordées de manière spiralaire tout au long de l'année, en s'appuyant sur les réalisations langagières des éleves.»

Si je me souviens bien, je suis agrégé des lettres, même si le concours était il y a bien des lunes. Je vous assure que ne suis pas du tout sûr de comprendre ce qu'on veut dire lorsqu'on fait de la «notion d'acceptabilité» le «principe essentiel de la progressivité» dans l'apprentissage d'une langue tout en «faisant le lien avec le socle et l'approche communicationnelle d'une autre langue»! Et quant à l'abord «en manière spiralaire» appuyées sur «les réalisations langagières», j'ai tendance à penser qu'on se moque du monde, et qu'en tout cas on confond langue et jargon pour initiés! Et il y a mille exemples de ce genre…

Quant à l'histoire, le fait qu'entre le VIIe et le XIIIe siècle, on ne retienne comme obligatoire que l'Islam (débuts, expansion, sociétés et cultures) et que tout le reste soit facultatif, que l'organisation de la chrétienté médiévale ne soit même pas nommée, sinon au chapitre suivant sous la forme condescendante «une société rurale encadrée par l'église», tout cela est un parti pris (est-il conscient ou inconscient?) qui s'apparente à la dénaturation de notre histoire! Et le parti pris méthodologique qui fait ignorer les grandes figures de notre histoire, Guillaume le Conquérant ou Philippe-Auguste ou Saint Louis, ou Jeanne d'Arc, Louis XI, ou Henri IV, pour privilégier les faits de société me paraissent une mauvaise compréhension de l'esprit des élèves qui sont, pour un grand nombre, encore éloignés des abstractions sociologiques, et qui demandent des figures et des histoires pour découvrir l'histoire.

En 1990, vous écriviez un livre intitulé La décennie des mal-appris. Au-delà de la réforme actuelle, on a le sentiment que la déliquescence de l'école s'est poursuivie. Comment en est-on arrivé-là ?

D'abord, il y a un combat idéologique qui ne se partage pas selon la frontière droite/gauche. Il y a d'un côté ceux, dont je suis, qui croient à la maîtrise disciplinaire, à celle des connaissances, qui aiment le patrimoine culturel que nous avons reçu en héritage et qui pensent que celui-ci doit se transmettre de génération en génération. Et il y a ceux qui pensent qu'au fond la démarche technique d'enseignement est plus importante que la maîtrise des connaissances. Si vous regardez le monde enseignant, le SNES, syndicat de la FSU d'origine communiste dans son inspiration et le SNALC, syndicat de droite dans son inspiration, sont en fait du même côté, maîtrise disciplinaire et concours égalitaire. Ils pensent qu'il vaut mieux maitriser une discipline pour l'enseigner et la transmettre. De l'autre côté, il y a des mouvements qui ressentent cette référence au concours, à la maîtrise des disciplines comme le vestige d'un certain élitisme. Cet affrontement lent et souterrain perdure, mais personne n'en formule les termes.

Il y a également un deuxième affrontement subreptice: celui des prétendus «modernes» contre les réputés «anciens». Lorsque vous regardez les résultats des pays étrangers dans les classements internationaux, vous vous apercevez que ce sont les méthodes traditionnelles de transmission qui fonctionnent le mieux. Il y a eu le débat sur la transmission de la lecture et de l'écriture. Trente pour cent des élèves arrivent en sixième sans maîtriser la lecture et l'écriture. A huit ou neuf ans, sauf exception, ils sont déjà condamnés à l'échec. Pour autant, je ne considère pas que l'école française - eut-elle conservée ses axes - était idéale. L'école traditionnelle française, bien qu'elle soit mille fois plus efficace que celle qu'on prétend construire, souffre d'un déficit de transmission de la créativité, de déclenchement de la confiance en soi chez l'enfant. Il y a beaucoup à faire pour passer de la culture de l'appris à la culture du créer. Seulement, je crois qu'on ne crée bien qui si l'on a, au minimum, la carte et la boussole pour se repérer dans les jungles du réel et du virtuel.

Les ministres de l'Education nationale passent et les hauts fonctionnaires de la rue de Grenelle restent. Quelle est l'influence de ceux qu'on appelle les «pédagogistes» ?

C'est une influence importante, bien sûr. Un jour, une de vos consœurs, célèbre pour ses diatribes sur les questions éducatives, a cité comme étant de moi un texte de programme de français à l'école primaire qui était totalement jargonneux et incompréhensible. Après vérification, je me suis aperçu qu'il avait été réécrit dès après mon départ de la rue de Grenelle par les circuits habituels qui décident souvent, même sans que les ministres soient au courant. Pour autant, je ne crois pas que les «technocrates» décident de tout. Dès l'instant qu'il y a des ministres forts, des ministres qui pèsent, cette grande administration répond et obéit.

Pourtant, vous écriviez: « Quelle est la différence entre un optimiste et un mort ? Aucune. Ce sont tous les deux des ministres réformateur de l'Education nationale ». Quelle a été votre marge de manœuvre réelle lorsque vous occupiez cette fonction ?

Elle était grande. Je n'ai peut-être pas tout réussi (quatre ans c'est court), mais je rappelle, par exemple puisque c'est le sujet d'aujourd'hui, que c'est moi qui ai instauré le latin en cinquième et le grec en troisième. C'est également moi qui ai fait la première réforme du collège pour proposer des parcours différenciés et sortir de la brutalité du collège unique. Je pourrais aussi citer la réécriture des programmes d'histoire de l'école primaire pour qu'on étudie celle-ci au travers de figures principales depuis Clovis et Charlemagne en passant par Jeanne d'Arc jusqu'à Victor Hugo et Marie Curie. Je souhaitais ainsi que la chronologie des générations s'incarne dans des figures repères. Je n'ai pas eu le sentiment d'avoir à me battre contre l'administration et si je ne suis pas arrivé à tout ce que je voulais, c'est probablement parce que je ne suis pas allé assez vite. Mais dans l'ensemble, les enseignants se sentaient compris et fédérés à tel point que lors de l'élection présidentielle de 2007, plus de trente pour cent des enseignants ont voté pour moi. Les réformes sont possibles et on peut les accomplir.

Quel regard portez-vous sur les incidents qui ont émaillé la minute de silence après les attentats de janvier ?

Ce n'est pas forcément surprenant. Quand vous organisez une manifestation obligatoire et que vous avez des adolescents en face de vous, forcément dans tous les temps et sous toutes les latitudes du pays, certains d'entre eux broncheront. De plus, on est dans un monde facilement «complotiste», et les adolescents y sont spontanément portés, internet aidant. Surtout lorsqu'il y a en arrière-plan la question religieuse. Comme vous le savez, je suis à la fois chrétien assumé et défenseur de la laïcité. Expliquer la laïcité est compliqué et parfois cette explication est insuffisante. Il y a des approches familiales pour qui la religion est quelque chose de central dans la vie.

Ne faut-il pas être plus strict en matière de laïcité ?

Je vous rappelle qu'en 1994, lorsque j'étais ministre de l'Education nationale, j'ai écrit la circulaire interdisant le voile à l'école. J'ai jugé que les jeunes filles mineures devaient être protégées des pressions. Face à la multiplication des incidents, j'ai compris que l'Etat devait prendre ses responsabilités et ne pouvait pas laisser les chefs d'établissements et les enseignants régler le problème seuls. Il y avait des pressions au nom de la différence entre sexes. C'est toute une vision du monde sur laquelle je ne pouvais pas fermer les yeux qui était en jeu. En quelques mois, ce que j'espérais s'est vérifié. Le voile comme instrument de pression, comme moyen de prosélytisme, a pour ainsi dire disparu des établissements scolaires français. Mieux encore, ce résultat a été obtenu sans qu'une seule fois l'islam comme religion ou les jeunes musulmans comme croyants ne soient injuriés ou blessés.

Au-delà des questions de laïcité n'y a-t-il pas un problème d'autorité ?

J'ai plaidé pour que l'école soit un domaine protégé, pour que la loi de la rue ne s'y exprime pas, pour que l'autorité des enseignants soit garantie. C'est ce que j'ai appelé la «sanctuarisation de l'école». À l'école, ce qui doit s'imposer, ce n'est pas la loi du plus fort, c'est celle du plus savant et du plus généreux. Cela nécessite un autre ordre que celui de la rue. C'est pourquoi, j'ai toujours été hostile à la présence, que beaucoup fantasmaient, de policiers dans les écoles.

26 avril 2015

Les chefs de file du MoDem pour les élections régionales

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Le bureau exécutif du Mouvement Démocrate, réuni le 23 avril, a désigné ses chefs de file régionaux pour les élections régionales du mois de décembre.

Le rôle de ces chefs de file est de :

1/ coordonner la préparation des élections région par région,

2/ construire autour d’eux des équipes régionales ouvertes à des visages nouveaux et à la société civile,

3/ créer les conditions des rassemblements larges nécessaires pour donner aux régions la dynamique nouvelle dont elles ont besoin.

Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine : Nathalie Griesbeck, députée européenne du Grand Est ; Sylvain Waserman, maire de Quatzenheim, président de la communauté de communes Ackerland.

Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes : Jean Lassalle, député des Pyrénées-Atlantiques.

Auvergne-Rhône-Alpes : Patrick Mignola, maire de La Ravoire, président de Métropole Savoie.

Bourgogne-Franche-Comté : Christophe Grudler, conseiller départemental de Belfort.

Bretagne : Bruno Joncour, maire de Saint-Brieuc, président de Saint-Brieuc agglomération ; Isabelle Le Bal, 1ère adjointe au maire de Quimper.

Centre : Marc Fesneau, maire de Marchenoir, président de la communauté de communes Beauce et Forêt.

Corse : réservé.

Île-de-France : Marielle de Sarnez, députée européenne d’Île-de-France ; Yann Wehrling, conseiller de Paris.

Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées : Robert Rochefort, député européen de la région du Grand Sud-Ouest.

Nord-Pas-de-Calais-Picardie : Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur du Pas-de-Calais.

Normandie : Rodolphe Thomas, maire d’Hérouville Saint-Clair, conseiller départemental du Calvados.

Pays de Loire : Patricia Gallerneau, militante associative (Loire-Atlantique).

Provence-Alpes-Côte-D’Azur : réservé.

La Réunion : Thierry Robert, maire de Saint-Leu, député de la Réunion.

26 avril 2015

Les centristes doivent présenter des listes indépendantes de l'UMP aux élections régionales

Comme il est loin le temps de l’Alternative, cette alliance entre le MoDem et l’UDI portée par Bayrou et Borloo, et qui se concrétisa par la présentation de listes communes aux dernières élections européennes.
Désormais les centristes sont fortement conviés à faire cause commune avec l’UMP sarkozyste en vue des élections régionales du mois de décembre comme le rapporte un article au titre évocateur paru dans le journal La Croix du 22 avril " L'UMP ne veut aucune liste UDI aux régionales ".
Les centristes, et plus particulièrement l’UDI, ne doivent pas céder au diktat de l’UMP, s’ils veulent exister dans le paysage politique français.
Je rappellerai ici une évidence. Le but de tout parti politique est de défendre des valeurs, un programme et d’accéder au pouvoir afin de les mettre en pratique. Or comment un parti qui se refuserait à participer à des élections pourrait-il mettre ses  idées en avant ? D'autant que les divergences avec l’UMP ne manquent pas : sur la question européenne ou la position à adopter face au Front National.

Alors amis centristes, soyez courageux !

7 mars 2015

"Notre mission est de porter une vision radicalement différente du débat et de l'organisation politique"

Instauration d'une dose de proportionnelle aux élections législatives, utilisation de la formule "FN-PS", montée du terrorisme, réforme pénale, condamnation de la France par le Conseil de l'Europe... Sur le plateau de "Questions d'info" (LCP, AFP, Le Monde, France Info) le président du MoDem a pris position sur tous les sujets qui font l'actualité.

Bienvenue à Questions d'info. Terrorisme, montée des extrêmes, crises... Face à la montée des périls, le temps est-il venu de pratiquer l'union sacrée ? Et François Hollande peut-il vraiment être un homme de synthèse ? Invité de Questions d'info aujourd'hui : François Bayrou, le président du MoDem et le maire de Pau. Et à mes côtés pour vous interroger, monsieur Bayrou, Françoise Fressoz du Monde, Frédéric Dumoulin de l'AFP et Marie-Ève Malouines de France Info.

Sur l'emploi François Hollande dit : « il y aura de l'emploi que s'il y a de la croissance ». Il ajoute que l'essentiel, c'est la confiance, c'est le moteur. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce constat ? Est-ce que vous pensez que la confiance peut revenir d'ici la fin de ce quinquennat ?

C'est l'actualité qui veut ça, donc c'est le genre de déclaration qui enfonce des portes ouvertes et qui dit à peu près ce que tout le monde pense. J'ai une vision un tout petit peu différente. Je pense qu'il n'y aura de reprise de l'emploi réellement et d'ailleurs de croissance que si le monde des créateurs d'activité, des entrepreneurs, de ceux qui innovent, qui ont des idées pour l'avenir, est suffisamment assuré de sa situation dans la société française pour y aller de bon cœur.

C'est ça la confiance ?

Je ne sais pas si c'est ça la confiance, mais ça signifie par exemple qu'il faut retrouver la sécurité juridique, la sécurité fiscale, le fait qu'on sache à un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans, huit ans, où on va.

De ne pas changer de loi tout le temps.

Arrêter de multiplier les lois, les textes, les règlements, les normes, les contrôles de toute nature, le plus souvent infondés, qui donnent à tous ceux qui sont créateurs d'activité et d'emplois - parce que les deux vont ensemble - un sentiment d'insécurité.

Ça, c'est pour au moins le moyen terme. Mais au niveau des indicateurs actuels, est-ce qu'il y en a qui vous rendent optimiste, ou au contraire, vous êtes encore...?

Je crois avoir dit à ce micro que je ne partageais pas l'optimisme général sur le fait que la baisse de l'euro conjuguée à la baisse du pétrole allait nous rendre l'activité. Je ne pense pas ça, parce que je pense qu'il n'y a de bons vents, de bonnes météorologies que pour les bateaux qui sont sains et en bonne santé.

Est-ce qu'on est sur la bonne voie dans ce que vous dites ou pas ?

Non, pour l'instant on n'a rien fait de fondamental. Si vous observez les chiffres et les déclarations de tous les observateurs, par exemple de l'Union européenne sur la situation de la France, ils disent tous la même chose.

La baisse du chômage du mois de janvier, c'est quoi ? C'est un épiphénomène ?

Vous vous en êtes vous-même désolé il y a quelques semaines en disant que sur la loi Macron, qui était un petit pas : « la droite et la gauche ont été incapables de s'entendre et dans la tête des Français, on a eu l'impression que c'était raté ».

Alors, il y a deux raisons principales à la situation que je décris, qui est une situation de perpétuelle insécurité. Premièrement, le fait qu'on ne voit pas clair, l'absence de vision, le fait que les dirigeants successifs, ou les gouvernants successifs n'arrivent pas à expliquer clairement au pays, peut-être parce qu'ils ne le voient pas, dans quelle direction il faut aller.

Vous mettez tout le monde dans le même sac, Nicolas Sarkozy, François Hollande ?

Oui. Ça fait quinze ans que la courbe descend perpétuellement, c'est à peu près ça. Et donc il n'y a pas de réel changement, de réelle rupture. Si vous prenez le déficit, la dette, la situation de l'emploi, l'absence de croissance, tout ça va à peu près dans le même sens depuis quinze ans. Donc absence de vision. Et deuxièmement, il n'y a pas l'assise politique pour qu'une politique courageuse puisse être mise en place. Vous venez de me citer la loi Macron.

Pas d'assise politique ?

Pas de majorité ?

Oui, pas d'assise politique.

Pas d'assise politique ou il faudrait un consensus ?

On pourrait imaginer, on appelait ça autrefois - et j'y suis très attaché - les majorités d'idées. On pourrait imaginer que sur trois, quatre, cinq grands sujets, le monde des responsables politiques soit capable de mettre de côté ses querelles et ses affrontements pour dire : « on va aller de l'avant, et ça, au moins, on va le faire ».

Et est-ce que ça peut se faire, ça ? Ces majorités d'idées, est-ce qu'on peut les trouver avant, à deux ans ou deux ans et demi avant une présidentielle ?

Un mois après Charlie, ça ne se trouve même pas.

On ne peut pas les trouver avant...

Et pourquoi ?

... l'élection présidentielle, parce que, Françoise Fressoz, vous l'avez écrit et que je crois que vous avez raison, parce que notre pratique politique commandée non pas par nos institutions, mais par les règles électorales, l'empêche. On est dans un système qui est un système complètement faux, complètement artificiel, dans lequel la représentation du pays n'est pas juste.

Les règles électorales, vous parlez de la loi électorale...

De la loi électorale.

Donc pas de proportionnelle, en gros, c'est ça. Le président de la République a visiblement tourné la page là-dessus.

Oui, apparemment. Après, on va voir ce qu'il va se passer après le résultat des élections locales du mois de mars.

Vous n'avez pas renoncé à l'idée qu'il pourrait y avoir une réforme électorale ?

Je n'y renoncerai jamais parce que je ne parle pas de décisions d'opportunité, de décisions agréables pour les uns ou agréables pour les autres, je parle des fondamentaux de notre pays. La situation dans laquelle nous sommes est une situation malsaine et dangereuse. Elle est malsaine, car 50 % des Français ne sont pas représentés. Alors j'ai refait le calcul parce que vos confrères et consœurs m'ont interrogé sur ce point. Si vous prenez les derniers sondages d'intentions de vote présidentiel, qui traduisent le mieux les grands courants du pays - intentions de vote présidentiel avec des candidatures qui ne sont absolument pas d'actualité - le Front national est mesuré entre 25 et 30 %.

Voire plus.

Voire 33 % dans un sondage récent. Je suis moi-même mesuré autour de 11 % et quelques fois plus selon les périodes, et Jean-Luc Mélenchon, comme image du Front de gauche, on va dire, est lui aussi autour de 9, 10, quelque chose comme ça. Si vous additionnez 9 et 11 et 30, ça fait 50. Et vous avez donc 50 % des Français, des électeurs Français qui n'ont aucune représentation, dont la voix n'est pas présente dans les débats à l'Assemblée nationale sauf épisodiquement, le Front national a deux élus, le MoDem a deux élus, et le Front de gauche, le Parti de gauche aucun je crois. Mais vous voyez bien que tout ça est en réalité d'une absolue injustice. Et c'est malsain.

Et donc il y a urgence à réformer ça.

Je veux ajouter un argument qui n'est pas souvent repris. Avec cette règle électorale, la voix de l'électeur de gauche à Neuilly ne sert jamais à rien. La voix de l'électeur de droite à Saint-Denis ne sert jamais à rien. Pas la peine qu'ils aillent voter.

Et le centre ?

Et le centre, c'est la même chose dans les deux.

Mais il y a un argument en ce moment qui dit...

Et donc tout ça, c'est malsain. Permettez-moi d'ajouter la deuxième idée...

Certains disent, la menace FN... Faire rentrer le FN en masse à l'Assemblée.

Je considère que c'est non seulement malsain, mais dangereux, parce que la règle du scrutin majoritaire, c'est qu'à un moment l'eau passe par dessus la digue. Et jusqu'à ce seuil, elle empêche la représentation, à partir de ce seuil-là, elle multiplie la représentation.

Elle l'amplifie. Elle peut l'amplifier.

Et vous allez vous retrouver un jour ou l'autre avec cette vague qui va en réalité donner, ou qui risque de donner la totalité des pouvoirs.

Donc ce que vous dites, la proportionnelle, elle permet justement de représenter tout le monde, et elle empêche un excès.

Elle permet trois choses. Premièrement, elle assure la justice qui est de représenter tous les grands courants d'opinion, tous ceux qui sont au-dessus de 5 %, c'est la règle de tous les pays européens continentaux. Deuxièmement, elle permet des accords entre formations politiques, c'est-à-dire dans le schéma que je développe devant vous qui est celui de majorités d'idées sur les grands sujets, elle permet cela, comme on le voit en Allemagne. Et troisièmement, elle garantit que s'il y avait un jour risque de voir des partis politiques qui apparaissent comme dangereux, alors les autres formations politiques doivent prendre leurs responsabilités. Et donc c'est à la fois trois avantages : la justice d'un côté, la possibilité d'agir pour des réformateurs deuxièmement, et troisièmement, la garantie qu'il n'y aura pas de risques pris.

Ça veut dire que pour vous, la proportionnelle, ce serait un scrutin anti-FN ?

Non, ce serait un scrutin juste, parce que les électeurs du Front national ont le droit d'être représentés. C'est moi qui le dis, et c'est moi qui le dis qui me suis battu comme vous le savez toute ma vie contre ces thèses. Et cependant, je dis : ces électeurs qui sont des compatriotes ont le droit, le droit, indiscutable, d'être représentés. Il n'y a aucune raison que les 40 % des voix que représentent l'UMP et le PS ensemble aient toute la représentation.

Vous avez rencontré...

Pourquoi ? Qu'est-ce qui leur donne le droit de... ? Quelle est la légitimité qui fait que ces deux partis dont on peut dire au minimum qu'ils n'ont pas réussi dans les vingt dernières années ? Qu'est-ce qui donne le droit que ces deux partis aient la totalité de la représentation ?

Depuis 2012, vous avez rencontré à plusieurs reprises François Hollande, le Président de la République, vous lui avez parlé de ça. Est-ce que vous avez l'impression qu'il peut évoluer sur ce sujet, parce qu'en dernier lieu, c'est lui qui décide.

Notamment après les départementales.

En dernier lieu, c'est les citoyens français qui décideront. 

Ou le Parlement.

Les citoyens français, au bout du compte. Oui, j'ai très souvent parlé de ce sujet à François Hollande. J'ai même eu plusieurs fois l'impression de l'avoir convaincu. Excusez-moi de vous le dire, j'avais tellement l'impression de l'avoir convaincu sur ce sujet crucial, que c'était son programme, le programme qu'il a présenté devant les Français, les engagements qu'il a pris devant les Français allaient dans le sens d'une introduction de proportionnelle.

Nicolas Sarkozy était d'accord aussi.

Nicolas Sarkozy aussi, ils sont tous d'accord pour parler, et ils ne font jamais rien. Voilà la règle.

Quand on vous entend parler, on a l'impression que pour vous ce n'est pas une instillation d'une dose de proportionnelle, c'est éventuellement la proportionnelle intégrale.

On pourrait entrer beaucoup dans les détails de cette affaire, vous avez par exemple un scrutin en Allemagne qui permet d'avoir le choix par les électeurs dans les circonscriptions, et après un rééquilibrage qui donne au bout du compte un résultat qui est un résultat totalement juste sur cette règle-là. Mais oui, j'ai eu le sentiment souvent d'avoir convaincu François Hollande. Et je constate que déclaration après déclaration, il y a d'abord eu des moments louvoyants, et il y a maintenant des moments qui paraissent sourds à cette...

Vous pensez qu'en fait le meilleur système ce serait une proportionnelle intégrale ?

D'abord, je ne pense pas qu'aujourd'hui on puisse faire autrement, parce qu'on ne va pas se lancer dans un redécoupage des 500 et quelques circonscriptions françaises, tout cela est impossible, et c'est trop tard. Je dis que pour la justice, pour le besoin de réformes du pays, et pour la sécurité contre des risques si des risques apparaissaient, cette loi électorale est la seule qui réponde aux exigences du temps. Après, il y a des hommes politiques courageux et il y a des hommes politiques qui renoncent au courage, ça c'est une autre chose. Et pour moi en tout cas, l'heure est aux hommes politiques, aux femmes politiques, courageux, et qui acceptent de faire face à leurs responsabilités et de voir la gravité des temps.

Aujourd'hui dans Le Parisien, François Hollande considère qu'il faut arracher les électeurs au FN. Est-ce que vous comprenez cet appel ? Et comment on fait concrètement ?

Je vais vous dire, la manière dont le monde politique français parle du Front national à perpétuité, matin, midi et soir, sous forme de leçons de morale adressées à ces électeurs potentiels ne me convainc pas du tout.

Ça fait monter le FN, vous pensez ?

Évidemment, quand vous faites d'un courant politique le sujet central de la vie politique, à ce moment-là vous lui donnez une capacité d'entraînement qui est plus importante que son poids réel ne l'aurait supposée. Et en plus, je ne partage pas le fait qu'on fasse de ce sujet un sujet de leçon de morale. Si je devais, à la place de François Hollande, poser la question qui se pose aujourd'hui au pays, je dirais que la question est dans l'impuissance du monde politique tel qu'il vit depuis vingt ans. L'incapacité à prendre des décisions, à les maintenir, à expliquer ou à partager avec nos concitoyens les exigences du moment, les exigences de l'heure, le besoin qu'on a d'avoir des responsables politiques à qui on puisse faire confiance, sur qui on puisse s'appuyer, dont on ait le sentiment qu'on va pouvoir leur faire confiance, qu'ils sont cohérents au travers du temps, c'est cela qui cause la poussée extrémiste que nous connaissons aujourd'hui en France.

Lundi matin, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy a soulevé un tollé en parlant de FN-PS comme si donc il y avait une alliance objective entre le FN et le PS. Est-ce que cette expression de FN-PS vous a choqué vous aussi ?

C'est exactement de l'ordre des slogans publicitaires que le monde politique utilise pour mener le combat. Évidemment, vous voyez bien que c'est l'impuissance conjointe...

En fait, vous les mettez quand même un peu dans le même sac, UMPS aussi.

C'est l'impuissance conjointe des deux partis de gouvernement au travers du temps qui explique la montée du Front national, montée dangereuse pour le pays. Je veux répéter devant vous que si le Front national l'emportait, ses idées et ses thèses sont mortelles pour la France, pas un pays ne pourrait survivre, retrouver une force...

C'est tout à fait arrêtable d'ici 2017 ?

Je ne fais qu'une chose : combattre, défendre des idées, et ne pas servir l'adversaire. J'avais un ami autrefois pour qui j'ai une pensée affectueuse, qui est mort depuis longtemps, et qui me disait : « quand tu ne sais pas quoi faire en politique, pose-toi une question : demande-toi ce que tes adversaires voudraient que tu fasses, et fais le contraire ».

Et alors, aujourd'hui ?

Et alors, demandez-vous ce que Marine Le Pen voudrait qu'on fasse : elle voudrait qu'on parle d'elle 24 heures sur 24, 365 jours sur 365, et qu'on la présente comme l'ennemie publique numéro 1. Si elle est l'ennemie publique numéro 1 du monde politique, elle recueillera les voix de tous ceux pour qui le monde politique actuel est l'ennemi public numéro 1. Et ceci est donc la meilleure politique de communication qu'on puisse faire au service de Marine Le Pen. Moi, ce que je propose comme stratégie, c'est que...

Vous pensez que UMP et PS sont les meilleurs communicants pour Marine Le Pen ?

Bien sûr. C'est pour ça qu'elle les cultive.

Quand Gérald Darmanin parle de "tract ambulant" concernant la Garde des Sceaux Christiane Taubira, ça relève du fait public ?

J'ai trouvé cette formulation très choquante, parce que c'est une manière de parler d'une personne humaine comme d'une chose. Vous voyez ce que je veux dire ? C'est une manière de caricaturer à l'extrême madame Taubira. Il m'arrive souvent d'être en désaccord avec elle. Simplement la situation de la politique pénale en France depuis des décennies et le recours unique à la prison, dans l'imaginaire collectif pas dans la réalité évidemment... Mais si on mesurait à quel point la prison est un pourrissoir, à quel point toutes les radicalisations dans le banditisme prennent naissance en prison, et toutes les radicalisations dans l’extrémisme religieux prennent naissance en prison. On envoie en prison des petits voyous, on ressort avec des caïds, on ressort...

Là, Christiane Taubira ne vous contredirait pas.

Mais je n'ai pas dit qu'elle me contredirait. Je veux simplement dire que pour ma part, je ne veux pas caricaturer comme on le fait. J'essaie dans le débat politique de m'éloigner des caricatures, parce que les gens n'en peuvent plus. S'il n'y avait qu'une seule chose que je ressente comme ceux qui nous écoutent, c'est que ces perpétuels slogans, manières de parler, caricatures qui font que quelle que soit la phrase dite par l'autre camp, on est contre. Et on explique que, je vais dire des choses par exemple qui se disent tous les jours dans le débat, on explique que c'est la gauche qui nous a amenés dans la situation où nous sommes. Dieu sait que je suis en désaccord avec la gauche, Dieu sait que j'ai été souvent déçu depuis deux ans et demi que François Hollande est au pouvoir, Dieu sait que je suis en désaccord et même en affrontement avec le choix d'immobilisme que François Hollande a fait, notamment dans le domaine des institutions, notamment dans le domaine du droit social, notamment dans le domaine, et là ça a été aggravé, de la fiscalité. Je suis profondément en désaccord. Mais de là à dire que c'est la gauche qui nous a amenés où nous sommes, c'est évidemment une contre-vérité absolue. Il suffit de regarder les chiffres du déficit, de la dette et du chômage, prenez ces trois indicateurs, entre 2007, l'élection de Nicolas Sarkozy, et 2015 aujourd'hui. Et sur ces huit ans, vous allez voir qu'il s'agit d'une pente qui n'a jamais arrêté de s'effondrer.

On en parlera tout à l'heure.

Il y a aussi un contexte particulier en France, qui est la montée du terrorisme. Est-ce que vous diriez que l'islamisme radical et l'extrême droite se nourrissent l'un, l'autre, comme le pense Manuel Valls ?

Non. Non, je suis en désaccord avec cela. Je pense qu'il y a en France un problème de terrorisme sur fond de radicalisme religieux islamiste. Mais je ne pense pas qu'il y ait un  jeu de vases communicants qui aille dans le sens du Front national dans cette affaire. Ça va dans le sens de caractère insupportable pour tous citoyens de voir ainsi une tentative d'instaurer une guerre de religion avec des violences qui sont pires que des violences, avec des gestes et des faits qui sont d'une barbarie innommable. On peut dire les choses comme ça. Et donc je n'ai pas envie d'en faire une lecture politique en disant : « au fond, ils sont des alliés ». Non, je ne participe pas à cette vision-là.

Avec le débat autour de l'islam justement.

Justement, Manuel Valls a défendu mardi à Strasbourg sa vision d'un islam de France, affranchi des financements étrangers avec des imams français. Est-ce que c'est réaliste, c'est idéaliste ? Comment vous voyez les choses ?

Comment réussir aujourd'hui ce qu'on n'a pas réussi depuis des années ?

C'est la même vision que Nicolas Sarkozy, c'est la même vision que Charles Pasqua avant. C'est la même vision.

Il n'y a pas forcément une évolution dans cette perspective de réunir l'islam de France ?

Je suis un peu sceptique sur « islam de France », l'expression « islam de France ».

Pourquoi ?

Parce que l'islam est une communauté, une religion et une communauté, qui ne s’accommode guère des frontières, qui est... De la même manière, je n'ai jamais pensé qu'il y avait un catholicisme de France, même s'il y a une Église en France, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Mais former des imams français, sans fonds étrangers ?

Cette question-là...

Ça va un peu dans le sens que les musulmans sont musulmans avant d'être français.

Pas du tout. Il faut qu'on se mette en tête que ça n'est pas du même ordre. Il ne sont pas musulmans en France, ils sont français. Ils sont français à part entière. De la même manière que les juifs sont français, sont français d'abord, et ensuite ils appartiennent à une communauté reliée par une conviction religieuse, une loi religieuse, des observances, de la même manière que les chrétiens, les catholiques, les orthodoxes, les protestants sont français avant d'être catholiques, orthodoxes ou protestants, de la même manière que ceux qui sont athées ou agnostiques ou bouddhistes ou je ne sais quoi... Ça n'a pas à être pris comme première identité. La religion, quelle qu'elle soit, ne doit pas être prise comme la première identité d'une femme, d'un homme ou d'une jeune fille ou d'un garçon. La religion, et c'est un croyant qui vous le dit, la religion c'est probablement la chose la plus personnelle, la plus intime, la plus profonde.

L’État n'a rien à voir ?

Non, je ne dirais pas ça.

Quand vous avez le problème du voile, qui est un problème public...

Dont vous savez que j'avais pris la première circulaire sur le voile comme ministre de l’Éducation.

Il y a bien quand même une interférence à un moment de l’État.

Nous avons une loi, est-ce que c'est une loi de l’État ? Je ne sais pas. Nous avons une loi, la société française a choisi qu'en France on ne pouvait pas vivre à visage couvert, que quand vous sortez, il faut qu'on puisse regarder votre visage. C'est une loi qui a été votée à l'unanimité, je crois, ou en tout cas à une très très large majorité, et que j'ai votée moi, parce que dans son texte elle ne prenait pas en compte une religion...

Il y a eu beaucoup d'abstentions.

Je ne suis pas sûr. Elle était, cette loi, elle touchait toutes les manières d'être qui voulaient dissimuler le visage, parce que notre société est celle du visage découvert. Il n'y a aucune raison d'en changer. Je veux dire, il faut comprendre que nous sommes une société avec, comme aurait dit le Général de Gaulle autrefois, son caractère propre, c'est-à-dire ses traits de culture, de manière d'être, et nous devons y être attachés et les défendre. Voilà sur ce point. Mais sur la religion, je reviens au sujet, la laïcité ça consiste à respecter les choix profonds, personnels, familiaux de chacun des Français, qu'ils soient croyants ou qu'ils ne le soient pas, et à faire que ce monde-là, c'est le sens même de la laïcité, forme ensemble un seul peuple. Laos, l'origine de laïkos, c'est un mot grec qui veut dire peuple. Nous formons un seul peuple bien qu'ayant des sentiments religieux différents. Et il faut que l’État soit là, et la puissance publique, pour garantir le fait que nous allons pouvoir vivre ensemble, et ne pas nous retrouver une guerre de religion. C'est au moins l'héritage d'un de mes amis qui s'appelle Henri IV.

Très brièvement, et très précisément, est-ce que ça veut dire que l’État doit prendre en charge la formation des imams en France ?

S'il peut y aider, je trouverais ça bien. La séparation de l'Église et de l’État, ce n'est pas une séparation absolue. C'est un principe de séparation. Mais toutes les églises et les cathédrales appartiennent aux collectivités locales ou à l’État. Les cathédrales à l’État, les églises aux collectivités locales, du moins celles qui ont été construites avant le XXe siècle.

Loi de 1905.

Donc vous voyez bien qu'on peut trouver, et personne ne voit ça comme une atteinte à la laïcité. Donc il faut avoir suffisamment de sensibilité, de sens de la nuance et du compromis, ce qui est le cas des pères de la loi de 1905, où il y a de très grands noms, y compris laïcs, qui ont essayé de trouver le meilleur équilibre possible pour qu'on vive ensemble.

Vous avez parlé tout à l'heure, je crois, du caractère de la France. On va parler du caractère du centre.

On a vu que François Hollande avait fait une opération surprise hier à la conférence de presse donnée par Jean-Louis Borloo sur sa formation pour l'énergie en Afrique. Est-ce que ça vous a fait sourire, ça vous a irrité ? Quelle a été votre réaction ?

Si vous me demandez si ça m'a fait sourire, oui, franchement oui.

Pourquoi ?

Je vais essayer de vous expliquer ça.

Vous y voyez de la récupération ?

Il y a des gens... Oh, non, comment vous pouvez avoir une idée comme ça ? Franchement ! Je vous trouve tellement audacieux, insolent ! Vous croyez qu'il y a la moindre trace de récupération dans ces affaires-là ? Très loin de moi cette pensée ! Mais enfin !

Alors, expliquez-nous.

Mais enfin, pour répondre à vos arrières-pensées à vous, il y a deux visions du centre. La première vision est celle du Parti socialiste, de l'UMP, et hélas d'un certain nombre, ou d'un nombre certain, de ceux qui s'intitulent centristes. Cette vision est que le centre est une succursale. Le destin du centre est d'être une succursale, c'est-à-dire d'être, on peut employer tous les mots que vous connaissez, la roue de secours, le strapontin, l'allié commode, des deux grands partis qui assurent le monopole du gouvernement, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et d'ailleurs quelques fois qui vont tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Et moi je défends une autre vision, mais alors radicalement différente, sur le fond, sur l'esprit des choses, sur leur nature. Je défends l'autre vision qui est : le centre est un courant politique à part entière indépendant.

C'est la vision de Giscard.

Ça a été un moment donné la vision de Giscard, et c'était le moment le plus grand de son histoire. Ça a été la vision d'hommes comme Robert Schuman, ça a été la vision de tous ceux qui ont créé cette famille politique.

Mais, là, vous êtes en train de dire que Jean-Louis Borloo est devenu le strapontin de François Hollande ?

Non, je ne dis rien.

C'est une bonne question, ça.

Je ne dis rien, je répondais au sourire que Frédéric Dumoulin avait utilisé.

Cette vision-là, il y a la vôtre, et il y a celle de Jean-Louis Borloo, si on comprend bien.

Jean-Louis Borloo...

D'abord, Jean-Louis Borloo est sorti de la politique, et je ne veux pas avoir du tout ce genre de débat.

Il est vraiment sorti définitivement de la politique ?

En tout cas, c'est ce qu'il dit. Je dis que de manière très très claire, pour qui sait lire, il y a ces deux visions : le centre qui va toujours s'instaurer en pseudopode d'autres formations politiques, et le centre dont j'ai porté l'idée depuis des années et même le drapeau assez souvent, le centre qui dit : nous ne sommes pas solubles dans une alliance ou dans une autre. Nous pouvons être alliés à égalité de droits et de devoirs, mais notre mission est de porter une vision radicalement différente du débat, de l'organisation politique qui a conduit la France dans le mur où elle se trouve.

C'est l'axe central de la majorité d'idées dont vous parliez, c'est ça ?

Qui peut, doit être producteur de majorités.

Mais alors pas soluble.

Un axe central, et pas perpétuellement aligné d'un côté ou de l'autre, et parfois des deux.

Vous dites « pas soluble », mais on vous a entendu, vous êtes a priori derrière Alain Juppé.

Il faut comprendre, c'est quoi la différence entre avec, derrière...

Je vais essayer de le dire de la manière la plus simple. Aujourd'hui, il y a un mouvement de communication qui tend à faire croire que le destin de la France va se jouer dans un choix ternaire entre Hollande, Sarkozy, Le Pen.

Et vous dites : « ce n'est pas le cas ».

Or, je vous dis qu'il y a des millions de Français, et j'en suis, qui disent : « franchement, on ne va pas recommencer dans cette espèce de fatalité là, avec les mêmes caricatures, les mêmes simplismes, les mêmes réflexes », pour moi, qui ne sont pas profondément civiques. La même manière de raconter des histoires aux gens, la même manière de faire des promesses et de considérer toujours que ce qui vient de l'autre camp est horrible, même si c'est au mot près ce que vous pensez.

Vous dites qu'en 2017 on ne peut pas avoir le même match qu'en 2012.

Voilà, c'est aujourd'hui la phobie d'un très grand nombre de Français, et une partie du succès de Marine Le Pen, qu'il n'y ait pas d'offre de renouvèlement de la vie politique française. Je suis attaché à cette offre de renouvèlement de la vie politique française. Quand je regarde le paysage politique comme il est aujourd'hui, il y a un élément qui peut permettre ce renouvèlement, ça aurait pu être d'autres, dans d'autres circonstances, mais il y a un élément, une personnalité qui peut apporter un renouvèlement à mes yeux favorable de la vie politique française, c'est Alain Juppé. Voilà pourquoi je dis...

Ce n’est pourtant pas le plus jeune et ce n'est pas le plus novateur.

Mais heureusement, jeunesse et novation, ce n'est pas tout à fait la même chose. Et d'une certaine manière, c'est heureux. Et donc je dis très simplement, avec l'idée qu'est la mienne qu'il faut arrêter de poser les questions uniquement en pensant à soi-même ou à son parti...

Vous y pensez quand même un peu.

Non. Ou à son parti.

Un homme politique qui ne pense pas à soi-même, ce n'est pas un homme politique.

Peut-être qu'il y a des moments dans la vie où les choses sont comme ça.

On va vous poser la question directement...

Non, laissez-moi finir. Comme je pense que l'heure est suffisamment préoccupante, pour ne pas dire grave, inquiétante, peut-être tragique, l'heure est suffisamment grave pour qu'on essaie, chacun d'entre nous, de ne pas penser à soi-même. Et donc je dis : puisqu'il y a une possibilité, c'est une possibilité, ce n'est pas une certitude, une possibilité qu'on renouvèle l'approche politique et qu'Alain Juppé paraît pour l'heure en situation de pouvoir le faire, je dis : je suis avec lui.

Vous êtes avec lui, mais...

Vous le connaissez bien.

Je suis avec lui sans la moindre, comment dirais-je... Sans la moindre compromission, je veux dire, je suis avec lui sans avoir, sans penser à des manœuvres de quelques natures qu'elles soient. Je suis avec lui parce qu'il me paraît aujourd'hui, 2015, mars 2015, il me paraît aujourd'hui un élément de renouvèlement politique.

Vous le connaissez très très bien. Est-ce que vous pensez qu'il va caler ou pas ?

Je pense qu'il est déterminé.

Il vous l'a dit ?

Bien sûr, vous n'imaginez pas que j'étaye ses positions sans n’avoir jamais discuté avec lui du sujet. Je pense qu'il est dans un moment heureux de sa vie politique, qu'il a été, comme ça arrive à chacun d'entre nous, très très blessé d'un moment d'injuste impopularité, et donc il est heureux comme maire de Bordeaux, comme je suis heureux comme maire de Pau, c'est une fonction que nous remplissons l'un et l'autre avec bonheur, et beaucoup d'autres maires heureusement en France.

Donc il n'aura pas d'autres tentations d'ici là ?

Et donc je pense qu'il est déterminé. Après, c'est un combat, non pas dur, mais éprouvant.

Il a l'air aussi d'être heureux quand dans une réunion de l'UMP il est sifflé quand il prononce le nom de François Bayrou.

Je pense qu'il l'a fait exprès ce jour-là.

Il est heureux de ça.

Qu'est-ce que ça voulait démontrer ?

Je pense qu'il était content de se distinguer d'autres intervenants.

D'autres intervenants, Nicolas Sarkozy qui vous qualifie de...

Ce sont les militants au départ qu'il faut convaincre, et pas les Français.

Je sais que parmi les sympathisants de l'UMP, parmi les adhérents de l'UMP et parmi les militants de l'UMP, il y a des gens très bien. Il y a des gens qui sont sincèrement engagés. Après, il y a une frange qui ne rêve que de stigmatisations, et de guerres à mort contre ceux qui... Mais je les ai vus, permettez-moi de vous dire... Je les ai vus, les mêmes sensibilités, siffler sur Nicolas Sarkozy et même cracher sur lui.

Quand il était avec Balladur.

Quand il avait « trahi » Jacques Chirac pour aller avec Édouard Balladur. Les mots les plus horribles, blessants, les condamnations les plus... C'était à Nicolas Sarkozy qu'elles s'adressaient. Et donc, c'est très simple. Ce jour-là, je crois qu'Alain Juppé a eu envie de se distinguer.

Se distinguer, on vous connaît depuis un certain nombre d'années, vous avez été plusieurs fois candidat à la présidentielle, et on se dit : « François Bayrou, quand même, il rêve toujours d'être Président de la République ».

Je regrette si vous croyez que c'est un rêve.

Oui, un rêve ou une volonté de servir le pays.

Si vous croyez que c'est un rêve, vous ne comprenez pas ce qu'est ce type de responsabilités.

Je disais un rêve dans le sens : « volonté de servir le pays ».

Est-ce que je suis et même est-ce que j'ai été, mais disons je suis, dans l'obsession de l'élection présidentielle ? Écoutez-moi bien, non. Je sais que c'est terriblement éprouvant, c'est le mot que j'indiquais il y a une minute. C'est terriblement éprouvant. L'élection est terriblement éprouvante. Et je crois l'exercice de la fonction aussi. Et il se trouve que je plaide pour qu'aujourd'hui nous regardions la situation en se disant : « est-ce qu'on peut oublier notre intérêt personnel ou partisan pour penser à une démarche plus constructive et collective ? » C'est le choix que je fais en vous disant : Alain Juppé étant cet élément de renouvèlement, je suis avec lui.

S'il n'y est pas ?

S'il n'y est pas, on verra, et je serais totalement libre.

Vous pourriez être candidat ?

Pourquoi aujourd'hui pour vous Alain Juppé incarne le renouvèlement ?

Parce que sa ligne politique, sa manière d'être et sa sensibilité ne sont pas de celles qui coupent le pays en désignant les autres comme des ennemis, mais au contraire, c'est une ligne de réformes et de rassemblement. Il dit : « il faut faire les choses, mais on n'arrivera pas à les faire les uns contre les autres », et il a dit que la majorité à laquelle il songeait, c'était cette majorité d'axe central que j'ai définie moi-même souvent, la majorité réformiste qui va de gens qui se sentent à gauche et qui sont déçus à des gens qui sont à droite qui sont réformistes.

Est-ce que dans votre cas d'homme politique, de personnalité politique de premier plan, vous vous êtes dit à un moment : « il faut donner des fessées qui sont autour de moi » ?

Oui, je crois même avoir vécu, avoir vécu avec une gifle il y a longtemps, en 2002... Je vais vous dire les choses. Je trouve consternant que le Conseil de l'Europe, que je ne confonds pas avec les institutions de l'Union européenne, le Conseil de l'Europe, c'est 47 pays, à l'intérieur desquels excusez du peu, il y a la Russie et l'Ukraine, et l’Azerbaïdjan et quelques autres...

Démocraties...

Terres sensibles. Que le Conseil de l'Europe en soit à ne pas prendre des positions fortes et contraignantes sur l'horreur qui se passe en Ukraine, sur ce qu'il s'est passé il y a quelques mois en Crimée, laisse se développer des guerres civiles, et en soit à prendre des décisions pour dire : « la France doit prendre une loi contraignante sur la gifle et la fessée... »

Ça fait détester l'Europe ça ou pas ?

J'y viens, je dis ça comme quelqu'un qui a suffisamment d'enfants et qui a fait œuvre d'éducateur toute sa vie...

Avec la fessée ?

Pour savoir que la violence n'est pas éducative. Mais quelquefois, il arrive dans la vie que c'est comme ça, si on veut... Chacun d'entre nous le sait et a vécu... Donc franchement, qu'une institution comme celle-là en soit arrivée à oublier l'essentiel pour s'occuper de choses tellement... Je trouve que c'est affligeant.

Est-ce que c'est de nature à faire détester l'Europe ?

Et c'est de nature injustement à faire porter le soupçon sur l'Europe qui s'occuperait de choses secondaires et jamais de l'essentiel. Je répète que le Conseil de l'Europe, ce n'est pas l'Union européenne, c'est une institution inter-gouvernementale et inter-parlementaire qui compte 47 pays, donc ça n'a rien à voir. Mais cependant cette espèce d'égarement dans l'accessoire est affligeant pour moi.

Une dernière question de Françoise Fressoz.

À chaque fois qu'on voit un responsable de l'UMP, il dit : « il faut que François Bayrou pour revenir vers nous s'excuse d'avoir voté François Hollande », est-ce que vous vous excusez ? Est-ce que vous regrettez et est-ce que vous vous excusez ?

C'est très très simple. Quand je fais des choix, je fais des choix profonds. J'ai pensé en 2012 qu'il fallait une alternance pour la France, pour deux raisons, parce que le chemin pris, l'orientation prise par Nicolas Sarkozy me paraissait aller dans un sens qui ne rendait pas service aux pays, que ses résultats me paraissaient pour le moins faible, et son action pour le moins inconsistante jusque-là, et donc il fallait une alternance pour que le Parti socialiste soit mis au pied du mur, et qu'au pied du mur on voit ce que valait son idéologie qu'il allait abandonner. Et ce choix de l'alternance de 2012, vous ne vous imaginez que je ne l'ai jamais...

Pas d'excuse, pas de regret.  

Ni de près, ni de loin. Je vais vous dire une chose : j'ai été déçu depuis deux ans et demi par François Hollande très souvent, très souvent, et pour des raisons profondes. J'ai été en désaccord avec lui. Et cependant, ce choix de l'alternance, il était bon pour le pays, il était fondé pour le pays. Il y a un ami de Nicolas Sarkozy qui s'appelle Alain Minc, vous voyez que je vais chercher mes exemples... Et qui a dit dans une interview en 2012 : « si Nicolas Sarkozy avait été réélu, il y aurait eu des mouvements violents dans le pays ». Je pense que ce choix-là était un choix qui a permis au pays de révéler la vacuité de l'idéologie du PS, et que c'est un pas en avant qui a été fait.

C'est la fin de Questions d'Info. Merci François Bayrou d'avoir répondu à notre invitation.

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7 mars 2015

Jean-Luc GINDER et Nathalie PORTMANN binôme candidat aux élections départementales sur le canton de Wittenheim

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18 janvier 2015

"Si l'on cherche les Français, on les trouve"

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Retrouvez l'intervention et l'analyse de François Bayrou dans l'émission le Grand Jury RTL sur le rassemblement historique qu'a connu la France ce weekend.

Président du MoDem, maire de Pau, merci d’être avec nous en cette journée si particulière. Question là encore toute simple que l’on a posé aux personnes qui vous ont précédées dans ce studio : qu’avez-vous ressenti à la vue de ces images ?

D’abord je crois qu’il faut dire que c’est une journée qui sera marquante dans l’histoire des décennies que nous vivons. C’est à cette échelle-là, à l’échelle du demi-siècle, qu’il faut voir l’importance de cette incroyable – ou en tout cas spectaculaire – et émouvante mobilisation. Partout en France. Aujourd’hui, on dit 3 millions et demi, quelque chose comme cela, je crois que c’est à peu près l’ordre de grandeur. Il y avait 40 000 personnes à Pau.

La moitié de la ville.

Je ne dirais pas la moitié de la ville, parce que, heureusement, beaucoup étaient venus de l’extérieur. Mais l’équivalent de la moitié de la ville, 40 000 personnes, c’est sans aucun précédent dans le siècle.

Quelle lecture politique faut-il en faire ?

D’abord, je crois que la première lecture n’est pas politique. C’est une idée toute simple : la France est un pays et un peuple et si on les cherche on les trouve. Je veux dire qu’il y a une espèce de ressaisissement, de besoin de montrer et d’exprimer que - ces horreurs-là – nous allons faire front contre elles. 

Cela vous rassure ? 

Vous savez que je plaide depuis très longtemps sur ce thème, parce que je suis persuadé qu’aucun des problèmes qui sont les nôtres – aujourd’hui les plus graves – ne peuvent se résoudre sans cette mobilisation du pays.

Mais précisément comment revenir à la politique puisque celle-ci va recommencer dès demain, est-ce que l’on s’appuyer sur ce qui s’est passé aujourd’hui ?

Je voudrais rajouter une chose, c’est la première fois de ma vie que je vois une mobilisation, une manifestation, qui est sans hostilité à l’égard de quoi ou de qui que ce soit. C’est rarissime, d’habitude c’est avec des sentiments de détestation, de combat, de « je suis contre ». C’était très frappant dans les rangs de la manifestation, puisque j’ai choisi de défiler dans les rangs de la foule et pas dans le carré des officiels. Je ressentais ce besoin-là. Mais c’était extrêmement frappant.

En aurait-il été autant si le Front national avait choisi de manifester à Paris, comme il ne l’a pas fait finalement ? 

Je suis persuadé et j’espère qu’il y avait beaucoup de gens qui étaient, avaient été ou auraient pu être électeurs du Front national qui étaient là. Une des raisons pour lesquelles j’ai manifesté dans la foule c’est que j’avais indiqué que, pour moi, l’essence de cette manifestation ce n’était pas les appareils de parti politique. C’était femmes et hommes, citoyens, dans un esprit nouveau.

Je vais vous raconter une histoire très drôle : au moment de la dispersion j’étais à la Bastille et il y avait beaucoup de jeunes, des grappes de jeunes sur les marches du génie de la Bastille, puis il y avait des milliers de jeunes sur la place et à ce moment-là est arrivé un convoi de voitures de police, des camionnettes blanches de police. Et les jeunes ont applaudi les policiers d’un bout à l’autre de la place. Dans les yeux des policiers, il y avait quelque chose d’une incrédulité – vous comprenez comme si c’était difficile à comprendre.

Je réponds donc à votre question : Oui je crois qu’il faut que cette esprit perdure. Alors, vous rencontrerez beaucoup de sceptiques qui vous diront « Mais vous savez bien, cela ne durera pas plus de quelques jours, quelques heures et puis après on va revenir aux disputes habituelles ». Ils ont peut-être raison en statistiques, en pentes de la nature humaine. Mais, moi, je veux être de l’autre côté, du côté de ceux qui pensent que cela ne va pas s’arrêter.

Précisément, c’est ma question. Comment transformer ce moment historique d’unité républicaine pour l’avenir de la nation ? Comment faut-il faire de cet événement historique une sorte, peut-être, d’acte fondateur du mieux vivre ensemble et des valeurs républicaines qui nous unissent ?

Et pour compléter la question, c’est de la responsabilité du Président de la République, est-ce que vous lui demandez de faire de cette journée quelque chose de particulier, quelles suites vous lui demandez, quelles initiatives ?

Excusez-moi, c’est de la responsabilité de tout le monde. Je suis souvent en désaccord avec le Président de la République, que je connais bien, par ailleurs. Je suis persuadé que si, lui, avait le choix pour toutes les raisons d’intérêt national et d’intérêt politique, il choisirait que cette unité perdure. Mais c’est de notre responsabilité à nous tous. Et je vous dire que je crois au cent : il est de notre responsabilité à nous tous que le climat de notre vie publique change, que les mots que nous utilisons, la manière de parler – y compris des uns des autres -, les arguments utilisés – qui sont très souvent des arguments d’hostilités ad hominem – changent, et de tirer vers le haut le débat national, qui, hélas, trop souvent, sombre.

Alors précisément, il y a une question qu’il est très difficile de poser depuis quelques jours, mais puisque vous évoquez le sujet. Charlie Hebdo représente l’impertinence et parfois la violence des mots de par ses dessins et pourtant c’est ce que l’on accepte dans notre démocratie – et il faut l’accepter – mais comment vous vous situez par rapport à cette impertinence ?

Vous savez, je suis allé, avec François Hollande, au procès des caricatures de Charlie Hebdo pour témoigner et dire ce que nous croyions essentiel. Je l’ai fait en tant que citoyen et en tant que croyant, c’est à dire que je sais exactement ce que peut ressentir un croyant et même quelqu’un qui est attaché au sentiment religieux, et même pratiquant comme on dit en France. Je sais ce qu’il peut ressentir comme blessure lorsqu’il voit des coups, et souvent des coups bas portés à ce qui, pour lui est quelque chose de précieux. J’ai essayé d’expliquer aux associations musulmanes qui étaient là que c’était notre pays qui avait fait, dans son histoire et pour sa nature politique et démocratique, le choix d’écrire dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 cette phrase dont on mesure pas toujours la portée : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses ».

Vous soulevez une question intéressante, parce que l’on apprenait tout à l’heure, pendant cette émission, que le Maroc n’était pas représenté à la marche d’aujourd’hui en raison de la présence de caricatures « blasphématoires ». C’est la position du Maroc mais n’est-ce pas aussi la position d’une partie de la France issue de l’immigration qui peut être blessée par ce qui s’est passé ?

Mais c’est le cas de beaucoup de musulmans, de beaucoup de chrétiens, je suis sûr que c’est le cas de beaucoup de juifs, et si les francs-maçons sont ciblés par Charlie Hebdo ou le jour où ils le seront, ils le ressentiront de la même manière. Je ne mets pas tout le monde sur le même plan mais bien sûr que l’on ressent cette offense. Simplement nous avons choisi d’être le pays dans lequel nous ne faisions pas d’interdiction d’aborder les sujets religieux, c’est notre manière, c’est Voltaire. Nous sommes le pays qui a fait naitre le philosophe combattant le plus emblématique de son temps. J’ai dit cela à la barre : Voltaire, à la fin de chacune de ses lettres, écrivait ces quelques abréviations « Ecr.l’inf », écrasons l’infâme, et c’est le temps où l’Eglise était au pouvoir et n’était pas seulement la religion unanime des Français depuis la malheureuse abrogation de l’Edit de Nantes par Louis XIV.

Question précise, vous avez été Ministre de l’Education, concernant les terroristes en question, on parle beaucoup de dispositif sécuritaire en termes de renseignements, de police, de justice, mais ce sont à l’origine des enfants éduqués en France. Est-ce qu’il ne faut pas revoir le système éducatif français pour faire en sorte justement que le système éducatif ne produise pas de pareils échecs ? 

Vous savez, j’ai été le ministre qui a proposé que l’on ait une réflexion sur la transmission de la culture religieuse à l’école, c’est à dire que l’on éclaire les uns sur leur culture et sur la culture de leurs camarades de classe.

Ce que l’on appelle l’enseignement du fait religieux.

Oui. C’est très simple, il n’y a pas que pour l’Islam. Il n’y a pas un enfant de France – et un parent, peut-être pas - qui sache comprendre ce que c’est le portail des cathédrales, ce qui est gravé dessus et même ce qui est à l’intérieur comme représentation. Donc il n’y a pas que l’Islam. J’ai toujours pensé qu’il manquait quelque chose à la transmission si l’on n’éclairait pas sur ces choses-là. Ceci est très important.

Pardon de vous posez la question un peu brutalement, mais n’y a-t-il pas un peu de naïveté dans tout cela ? Quand on voit les difficultés que certains enseignants ont eu à faire respecter la minute de silence cette semaine par exemple. 

Bien sûr que c’est difficile et bien sûr que les enseignants c’est difficile. Excusez-moi j’ai traité de la question du voile à l’école, je sais précisément de quoi il s’agit. Mais ce sont des hommes, dans l’horreur de ce qu’ils ont fait qui sont nés et qui ont grandi chez nous. Tout à l’heure, j’entendais posé à Martin Schultz qui me précédait, la question des frontières. Est-ce qu’il ne faut pas renforcer Schengen, et je bouillais de l’autre côté de l’écran parce que j’avais envie de dire que ce n’est pas de Schengen qu’il s’agit, ce n’est pas là passage, passeport, contrôles, douane, ils sont nés dans le XXe arrondissement, ils ont grandi là et vous avez entendu, ils n’ont pas d’accent. Tout ceci est une affaire intérieure, parmi les énormes difficultés que nous rencontrons. Il y a évidemment celle-ci que l’on appelle au sens large l’intégration.

Mais cela fait 40 ans que l’on en parle.

Je ne vais pas poser la question sur Schengen puisque celle-ci vous l’avez rhabillée pour l’hiver. En revanche, Jean-Pierre Raffarin, tout à l’heure, vous ne l’avez peut-être pas entendu, s’interrogeait sur la question de savoir s’il ne faudrait pas s’interroger, précisément, sur la question de la déchéance de nationalité après ces événements. Est-ce que c’est un sujet, François Bayrou, que vous pourriez aborder ?

On peut avoir toutes les discussions en matière de répression, mais lorsque vient le moment de la répression sur des événements comme cela – pardon de vous le dire, il est trop tard – un certain nombre de ces gens-là ont été en prison dans la période politique précédente et non pas dans la période politique actuelle, et ils en sont sortis. Pire encore, c’est en prison qu’ils ont été contaminés par la contagion de ces extrémismes-là. J’ai souvent eu des débats sur ce sujet. Il y a 2 questions sur ce sujet, concrètes, pratiques qui se posent : l’une a été abordée, l’autre pas. 

Laquelle a été abordée ? 

Dans l’interview précédente de Martin Schultz, il y a une question précise qui se pose, c’est le contrôle des voyages aériens à l’intérieur de l’Europe, nous avons été incapables depuis des années de traiter cette question, pas seulement à cause de l’Europe mais aussi à cause – ou en raison – d’un certain nombre de blocages français. Cela c’est un impératif. Il y en a un 2e sur lequel la réponse est très délicate : ces hommes-là avaient des voisins, des parents, des cousins, des oncles, des tantes, ils les ont vus dériver. Quels moyens a une mère de famille ou un père de famille ou un ami qui voit en quelques semaines passer de la banlieue détendu et du rap à l’intégrisme et bientôt au fanatisme ? Qu’est-ce que nous avons offert comme possibilités pour que l’on puisse apporter concrètement une assistance ?

Cela commence à se mettre en place Monsieur Bayrou. 

Oui, cela commence, mais je vous assure qu’on n’y est pas. Une assistance précise, concrète, un appel à des gens pour aider ceux qui voient la dérive mais qui n’en peuvent rien. Qu’est-ce que nous faisons pour qu’il y ait ce que j’appelle une vigilance de voisinage. Parce que, pour moi, la lutte contre le terrorisme passe par là.

François Bayrou, merci beaucoup d’avoir été l’invité de ce Grand Jury exceptionnel.

3 janvier 2015

"La France peut s'en sortir grâce à la lucidité, au courage et à une démocratie nouvelle"

François Bayrou, vœux 2015 - 311214

29 octobre 2014

"Il n'y aura pas de changement politique majeur s'il n'y a pas de retour devant le peuple"

François Bayrou, invité du Grand Rendez-Vous sur Europe1/iTélé - 261014

23 septembre 2014

Vallaud-Belkacem : le triomphe de l'allégé

Alors qu'en 40 ans un élève de CP a perdu 6 heures de français, Najat Vallaud-Belkacem veut alléger les programmes scolaires. Brighelli s'en esbaudit fort.

Nous vivons le triomphe du light. Camemberts à 0 %, blanquette pauvre accordée à notre sédentarisme, et, désormais, programmes scolaires allégés, nous promet Mme Vallaud-Belkacem dans une fracassante interview sur France info.

Merveilleuses promesses. Notre tour de taille va se désépaissir, et le cerveau des enfants, menacé d'explosion par la faute des méchants pédagogues dans mon genre qui y entassent des savoirs inutiles, reprendra le format adéquat à la consommation de TF1 et de Coca-Cola. L'Eden, c'est à nouveau demain.
 
 
32 semaines maigres

Que dit exactement le ministre (8 minutes 50 après le début de l'interview) ? "On va cette année quand même rénover les programmes. Lorsque vous interrogez les enseignants, l'une des choses qui pèsent le plus sur leur quotidien d'enseignants, c'est d'avoir des programmes trop lourds, qu'ils n'ont pas le temps de finir dans l'année..." Diable !

Allégeons ! Taillons par exemple dans les programmes d'histoire - de nombreux profs d'histoire de gauche sont favorables à cet allègement. On gardera la décolonisation, on virera à nouveau Louis XIV et Napoléon. Taillons dans les programmes de maths. On étalera à nouveau l'apprentissage des quatre opérations de base sur quatre ans. Taillons dans les programmes de Français. L'usage des tablettes numériques, que l'on achètera en masse de façon à faire perdre du temps aux enseignants et gagner de l'argent aux fournisseurs chinois, permettra bientôt à chacun d'arriver à la Méconnaissance absolue, ce nirvana des pédagogies modernes. L'Ignorance, c'est la Force !

Au passage, cela permettra d'anéantir des milliers de postes, comme au cours des années 1980-2010, sans se faire remarquer. Régis Soubrouillard, dans Marianne, rappelle qu'il y a quarante ans, un élève de CP bénéficiait de 15 heures de français contre 9 en 2002 - en attendant que Najat Vallaud-Belkacem allège encore les programmes.
Montaigne pris en otage

"Des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines" : on connaît la formule de Montaigne. Ce que visait le philosophe bordelais, c'était le gavage de la Sorbonne et des sorbonnicoles, comme disait avant lui Rabelais. Cela ne visait nullement l'acquisition de savoirs encyclopédiques - ceux-là mêmes que Montaigne avait casés dans sa tête et dans sa "librairie". Mais on a voulu y lire - les pédagos ne sont pas à un contresens près - la condamnation de la transmission. Le petit Montaigne aurait-il su "construire ses savoirs tout seul", conformément à la loi Jospin de 1989 ? Il n'en avait pas la prétention, ses Essais jouent sur les exempla antiques, cette sagesse des hommes du temps jadis patiemment assimilée. Contrairement aux idées reçues des chronobiologistes qui nous gouvernent, les enfants ont d'étonnantes capacités d'absorption. Les programmes scolaires de la IIIe République laissaient peu de temps aux "rythmes scolaires", aux récrés qui n'en finissent pas et à l'apprentissage du "vivre ensemble". Les écoliers étaient en classe du lundi matin au samedi soir, jeudi excepté. Trois mois de vacances, certes, moissons et vendanges obligent, mais trois jours de repos à la Toussaint, trois jours en février. Ils n'en mouraient pas, contrairement à ce que sont prêts à affirmer les hôteliers alpins qui décident du rythme des vacances depuis trois décennies.
Montrons-nous positif

Mme Vallaud-Belkacem, je suis un enseignant en plein exercice, mais je prendrai sur mon temps de sommeil pour vous aider à mettre sur pied des programmes cohérents, de la maternelle à l'université. Invitons quelques grandes compétences - je vous donnerai des noms, vous n'en avez guère parmi vos amis, et la commission que vous avez mise en place ne compte aucun instituteur, ni aucun professeur. Je vous présenterai des praticiens, des gens de terrain, pas des idéologues fous, qui vous expliqueront comment on fait rentrer dans les têtes les plus hermétiques des faits et des notions parfois complexes.

Le temps scolaire est un temps long, dites-vous. Eh bien, au lieu de préparer l'échec déjà acquis de François Hollande en 2017, préparons la génération qui sera au pouvoir en 2040. Vous devez tout à l'école de la République, vous l'avez dit et redit, et Manuel Valls aussi : tenez-vous vraiment à être les derniers à en avoir bénéficié ? Alléger les programmes, c'est offrir sur un plateau les postes à venir aux héritiers qui auront à la maison de quoi compléter ce que l'école ne leur donne déjà plus. Pour les autres, ceux qui demeureront illettrés, on aura toujours Doux ou Gad pour leur donner des poulets à occire, et Pôle Emploi pour leur offrir l'occasion d'apprendre à lire en faisant la queue.

Au passage, je me permets de vous signaler, madame le ministre, qu'en cuisine, l'ennemi n'est pas le gras, auquel on doit ce merveilleux concept, l'onctueux. L'ennemi du gastronome, c'est le lourd. L'indigeste. L'imbuvable. Ou pire encore, le fade.


PS. L'Express se demandait la semaine dernière si Michel Onfray, sous prétexte qu'il a dit sur France Inter des choses sensées sur le travail que ne fait plus l'école et qui ne se fait plus à l'école, n'était pas "le fils naturel de Jean-Paul Brighelli et de Farida Belghoul". Je m'empresse de démentir : Onfray, comme tout auteur, est fils de ses propres oeuvres - et je n'ai jamais couché avec Farida Belghoul... Simplement, il dit des évidences ("Et si, à l'école, au lieu de la théorie du genre et de la programmation informatique, on apprenait à lire, écrire, compter , penser ?" a-t-il osé tweeter), ce qui a eu pour effet de mettre la Gôche bien-pensante en émoi. Rue 89 a immédiatement dégainé son prêt-à-penser et ses anathèmes. "Un Finkielkraut-bis !", s'étrangle Arrêt sur images. Ma foi, pourquoi pas ? Créons un, deux, trois, de nombreux Finkielkraut, et de nombreux Onfray - Brighelli se suffit pour l'instant à lui-même.

 Par Jean-Paul Brighelli
Le Point - Publié le 23/09/2014

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