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Militant Haut-Rhinois du MoDem
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18 septembre 2007

Discours de François Bayrou

Clôture du Forum des Démocrates
Seignosse, dimanche 16 septembre 2007


Chers amis,

Je veux vous dire combien je suis heureux de ces rencontres, et combien je veux remercier ceux qui les ont organisées, sous la direction de Jean-Marie Cavada, autour de lui, l’équipe des Jeunes qui a travaillé tout l’été ; tous les collaborateurs et bénévoles ; les responsables locaux de notre famille politique… Je suis heureux de saluer et de remercier Ladislas de Hoyos, maire de Seignosse, et je veux remercier l’équipe qui m’a entouré toute cette période. (…) ; l’équipe que nous formons ensemble est solide, expérimentée et forte, contrairement à ce qu’on écrit ici ou là…

Je suis heureux que nous vivions ce moment de fondation ensemble et j’éprouve une impression de responsabilité très grande.

La question est celle-ci : est-ce que l’offre politique qui a été proposée aux Français jusqu’à maintenant, est-ce que cette offre est suffisante ? Est-ce que cette offre est satisfaisante ? Est-ce que l’UMP, version Nicolas Sarkozy, le Parti socialiste, comme les deux choix obligatoires, avec autour d’eux un nombre limité de satellites sans grande importance… Est-ce la bonne réponse aux attentes de notre peuple, aux attentes présentes, aux attentes à venir ?

Pendant des mois de campagne électorale présidentielle, mon engagement n’a eu qu’un sens, et le vôtre avec moi : montrer aux citoyens qu’ils n’étaient pas condamnés à ce choix entre deux impasses. Qu’il était de leur droit d’électeur, et de notre devoir de candidat, de tracer un autre chemin.

Et je veux vous dire quelle était l’orientation de ce chemin : non pas le « ni-ni », j’ai toujours détesté cette expression, non pas le « moitié-moitié », mais une voie originale, dont je veux rappeler les principaux axes. C’est du positif que nous faisons, c’est un projet que nous défendons.

Nous avons dit aux Français : l’affrontement clanique d’un camp contre l’autre n’est pas l’avenir de la France !

Nous avons dit aux Français : le pays souffre d’un manque de vérité, le déficit que nous accumulons, la dette qui en résulte, personne n’y gagne. Et au bout du compte, c’est tout le pays et d’abord les plus fragiles, qui devront la solder !

Nous avons dit aux Français : penser l’économique sans penser le social, et vouloir le social sans penser l’économique, c’est se condamner à l’échec, échec par rejet d’un côté, échec par insuffisance de l’autre. Nous voulons au contraire penser en un seul mouvement ce que nous avons appelé la « social-économie » : créativité, solidarité, durabilité !

Nous avons dit aux Français : si dans un temps difficile, vous ne devez retenir qu’une seule priorité, retenez l’éducation ! Et au lieu de saupoudrer l’argent des aides aux entreprises, concentrez-le sur la création d’emplois nouveaux : d’où les deux emplois sans charge par entreprise, une des propositions que les Français avaient le plus entendues.

Et tout cela les Français, qui se sont investis comme jamais dans une campagne électorale, tout cela les Français l’ont entendu, ils se sont mobilisés dans un mouvement de confiance sans précédent à ma connaissance, qui nous a fait passer de 6 % à près de 19 % des voix en quelques semaines.

Et naturellement, nous, vous, moi, l’équipe qui m’entourait, nous avons vécu ce surgissement, cette vague, avec le cœur battant, avec le sentiment de vivre un moment historique, sans avoir tous les jours la certitude que cela allait durer … puisque tous les commentateurs, tous les savants, tous les doctes docteurs, nous disaient que c’était impossible, que cela allait s’écrouler, allait disparaître ! Que nous n’avions pas à exister ! Et d’ailleurs, ils continuent et vont continuer imperturbablement pendant les cinq ans qui viennent ! Jusqu’à ce que la réalité, que nous allons préparer, les démente.

Je pense souvent, fraternellement, à ces sept millions de Français, de femmes et d’hommes de chez nous, de toutes les régions, de toute condition sociale, de toute origine : ce qu’il leur a fallu de constance, de tranquille audace pour braver tous ces savants, pour maintenir leur choix ! Et je pense aussi aux autres, -combien de millions sont-ils ?- qui voulaient les rejoindre, qui ont envisagé de voter pour nous, et qui ont fini par être impressionnés, et qui ont renoncé au vote dont ils avaient envie pour faire un vote de raison, d’un côté ou de l’autre, dont ils avaient moins envie, dans lequel ils se reconnaissaient moins, mais qu’on leur décrivait comme un vote utile…

Et donc, à l’occasion de cette élection, deux choses ont été prouvées : la première, qu’il existait un grand courant démocratique en émergence dans notre pays. Et la seconde, qu’on a totalement ignorée mais que je veux souligner, c’est que même dans l’état de nos institutions, état pourtant critiquable ô combien, ce grand courant démocratique était en réalité dès 2007 en situation de réussir son pari. Car maintenant que nous avons vécu ensemble – travaux pratiques ! - la première élection au rythme du quinquennat, nous savons bien que l’élection présidentielle détermine l’élection législative et que si nous avions gagné, une vague orange aurait immédiatement créé un équilibre nouveau dans notre pays !

Comme vous le savez, aussi près que nous ayons été, cela n’a pas été le cas, et nous avons vécu alors des élections législatives dans une très grande difficulté. Et je veux dire ma gratitude et mon amitié aux quelques 500 candidates et candidats qui ont porté nous couleurs dans cette situation extrêmement difficile … je voudrais qu’ils se lèvent et que vous les applaudissiez, ceux qui sont dans cette salle ! Dans un contexte aussi difficile, ils ont réuni autour d’eux, qui n’étaient quelquefois pas connus, pas expérimentés, une moyenne de plus de 8% des suffrages, ce qui dans toute grande démocratie, donne un rôle essentiel à la formation qui les réunit.

Bien sûr, la hâte du plus grand nombre de nos députés sortants à se retrouver le plus vite possible du côté du pouvoir, cette hâte n’est pas une nouveauté. C’est une des faiblesses de la France, que tous les partis les uns après les autres hélas expérimentent, et c’est pitié que de voir ainsi la faiblesse de caractère s’habiller des grands mots de l’action pour se retrouver du côté du manche. Cela – je voudrais vous demander de le vérifier ! - ne se produit nulle part ailleurs dans aucun pays démocratique du monde, et c’est hélas la règle chez nous. La peur du risque, la peur de l’échéance électorale, l’attrait infini du pouvoir nouveau, comme si l’on craignait de manquer le train, les tentations naïves de quelque hochet, tout cela se conjugue pour que chancellent et très vite succombent les âmes qui paraissaient les mieux trempées ! Nous avons connu cela en 2002. Le RPR a connu cela du temps d’Edouard Balladur, de la guerre entre Jacques Chirac, il l’a connu auparavant du temps de Giscard. Maintenant le PS, qui en a longtemps été préservé, fait à son tour l’expérience amère de ce genre de faiblesse. Ceci est un handicap pour la France. La stabilité des élus politiques d’un pays, c’est un atout pour l’avenir. Regarder en face les grands enjeux ne se résume pas à la place qu’on veut occuper.

C’est hélas arrivé au plus grand. En 1951, le général de Gaulle avait réussi à constituer un groupe parlementaire conséquent : 100 députés. En quelques mois à peine, un par un d’abord puis par groupes entiers, ces députés se sont tournés vers les délices et les poisons du pouvoir de l’époque. De Gaulle s’est retrouvé seul, ou presque, et c’était pourtant de Gaulle ! Et en juillet 52, à peine un an après, devant cette désertion, le mouvement gaulliste a eu un terrible conseil national. Alors, au milieu de ce conseil national, Malraux s’est levé, et il a dit ceci, à quoi j’ai souvent pensé pendant cette période : « Si un certain nombre de parlementaires vous abandonnent, c’est dommage. C’est un incident. Mais si pour garder ces parlementaires, vous abandonnez une idée, l’idée dont vous avez vécu, ce n’est pas un incident. C’est un suicide. »

Alors, c’est un désagrément, bien sûr, et parfois, vous le savez bien, une déception humaine. Mais sur l’autre plateau de la balance, il y a vous ! Vous et les vôtres, et tous ceux que vous représentez ici, et tous ceux qui vont venir !

Vous, en chiffres d’abord : depuis le mois de juin, nous avons eu 45 000 adhésions nouvelles. L’UDF jusqu’en 2007, malgré les efforts nombreux qui nous faisions, c’était 30 000 adhésions au sens des statuts, c’est-à-dire la somme des adhérents sur deux ans. La moyenne, jusqu’en 2006, Michel Mercier pourra le confirmer, c’était donc de 15 à 16 000 adhésions acquittées par an. Et depuis la fin du mois de mai, 45 000 adhésions en deux mois, c’est trois fois plus !

Et bien sûr comme vous le savez, ce sont des adhésions spontanées, non sollicitées, ce n’est pas le résultat d’une campagne, on n’a pas dépensé un euro pour faire une campagne, c’est un mouvement de confiance. Voilà pourquoi j’ai dit hier à la presse que je croyais que dans les dix-huit mois, si nous travaillons bien, nous pouvons envisager sans crainte l’horizon des 100 000 adhérents pour le Mouvement Démocrate en France.

Cela, ce sont les chiffres, mais je vais vous faire une confidence, il y a longtemps que je ne compte plus en chiffres. En politique, je compte en visages. Visages nouveaux, venus à l’engagement pour la première fois de votre vie, qui parfois n’avaient jamais envisagé de faire ce pas. Visages plus anciennement engagés, qui ont eu d’autres parcours, parfois, et je n’ai rien oublié de ces parcours plus anciens. Ce long parcours du centrisme comme on dit - et ce parcours je l’ai fait avec vous et je n’en ai rien renié : CDS, parfois Centre Démocrate auparavant, quelquefois même MRP (il y a des personnes qui m’ont dit « je reviens pour la première fois depuis le MRP ! ») ; puis Force Démocrate, puis nouvelle UDF ; d’autres venus des rangs des libéraux, du Parti Républicain ; d’autres venus de l’écologie militante, Cap 21 avec Corinne Lepage, ceux qui militaient chez les Verts avec Jean-Luc Bennahmias, au Parti radical d’un bord et de l’autre, ceux qui ne se retrouvent plus au Parti Socialiste, d’autres venus de droite, du gaullisme, parfois plus à droite encore. Les uns recrus de déceptions, les autres avec l’enthousiasme des néophytes, en tout cas décidés une fois pour toutes à construire ensemble, avec les mêmes valeurs, parce que ce sont les valeurs qui font le ciment d’une action politique.

Les uns et les autres avec une certitude commune : la situation de la France, telle qu’elle a été subie dans le passé, ne nous convient pas ; nous voulons lui donner un avenir différent, fondé non pas sur des intérêts seulement, mais sur des valeurs démocratiques ; et nous voulons le faire en rassemblant.

Voilà pourquoi j’ai voulu à la première minute de cette rencontre apporter modestement ma pierre, comme 700 autres parmi vous, en proposant (et libre à vous de corriger, réécrire, et réorienter) après avoir lu les centaines de contributions que vous avez adressées, sous toutes les formes, en prose le plus souvent, et parfois aussi en vers, en proposant un brouillon de charte des valeurs qui dise des choses précises, et non pas de vagues bla-bla sur ce que nous voulons en commun, et une charte éthique sur ce que ce combat suppose de droits et de devoirs.

Je sais bien que beaucoup d’autres ont travaillé et réfléchi à ces deux documents fondamentaux. Nous allons constituer avec eux les deux premiers groupes de travail, il y en aura beaucoup d’autres sur tous les grands sujets du pays, qui se mettront en place avant le congrès de fondation du mois de novembre. Et avant ce congrès, chacune des organisations départementales choisira des instances provisoires qui permettront que tout le monde soit représenté, que personne ne soit exclu.

Pour tous les débats, il y aura une organisation sur internet - et je veux remercier tous ceux qui s’occupent d’internet, avec Béatrice Pouyès, c’est une tâche très lourde, et je remercie à l’avance tous ceux parmi vous qui ont des compétences sur internet et vont se réunir à nous pour travailler à notre organisation internet. J’en profite pour dire à tous ceux qui m’eng… parce que ce n’est pas assez performant : c’est bien que vous nous eng…, c’est encore mieux que vous nous proposiez votre aide, votre participation !
 
Et ainsi se trouve naturellement la réponse à la question qui a été posée tout au long de l’été : « mais comment vont-ils pouvoir vivre ensemble ? ». Ils vont vivre ensemble, à égalité de droits et de devoirs –et j’y tiens-, parce qu’ils veulent vivre ensemble. Et ils considèrent que d’avoir des parcours différents, c’est une richesse pour travailler ensemble, ce n’est pas un handicap, c’est une richesse !

Et eux qui prônent le rassemblement en dehors, ils vont le pratiquer à l’intérieur. Et cet élargissement, ce rassemblement, cette rénovation, ça s’appelle la vie, la vie qui bouge, la vie qui fait bouger, la vie qui vous apprend que, comme dit à peu près l’Ecclésiaste, il y a un temps pour regarder le passé et un temps pour construire l’avenir.

J’ai un message pour chacun d’entre vous dans cette période où nous entrons : « soyez fiers de ce que vous êtes, soyez fiers de votre passé si vous en avez, et même de vos hésitations si vous en avez connu, ne reniez rien, assumez. Vous avez cru en quelque chose, vous vous êtes trompés peut-être, ou simplement les temps n’étaient pas mûrs. Eh bien, vous n’entrez pas dans cette maison contre ce que vous avez cru, vous y entrez avec ce que vous avez cru. Et c’est comme cela que nous allons parler à la France, parce qu’elle aussi est diverse, et qu’elle a besoin qu’on ait le cœur et l’âme assez large pour l’aimer comme elle est, dans sa diversité, dans son pluralisme, nous qui sommes les défenseurs du pluralisme, de la diversité, de la compréhension et du rassemblent… »

Et nous porterons un seul nom. Et c’est un grand nom. Le Mouvement Démocrate.

Cela nous évitera d’avoir à nous définir par rapport aux autres – et ainsi de leur concéder un avantage décisif !

Il me semble que le temps est venu que nous nous définissions non pas par rapport aux autres, mais par rapport à nous-mêmes, à ce que nous sommes, à ce que nous croyons, à ce que nous voulons.

Je n’ai jamais renié ce qu’il y a de juste dans l’aspiration du centre. Mais dire centre, c’est se définir par rapport à la droite et par rapport à la gauche. Et nous, nous sommes démocrates !

Comme on dit « les conservateurs », comme on dit « les socialistes », on dira « les démocrates ».

Nous sommes démocrates d’abord parce que démo veut dire  « peuple », et parce que nous croyons au peuple davantage qu’à toutes les oligarchies, à toutes les confiscations de pouvoir et de privilèges.

Nous sommes démocrates parce que nous croyons que l’état de citoyen est un état supérieur d’appartenance à la cité.

Enfin nous sommes démocrates parce que nous croyons que l’irruption de la société de l’information rend nécessaire et permet enfin que se réalise la conviction qu’a exprimée le premier, il y a cent ans, Marc Sangnier, que je n’ai jamais entendu formuler aussi précisément : «  la démocratie est l’organisation sociale qui porte au plus haut la conscience et la responsabilité des citoyens ». Et nous, nous voyons dans cette conscience et dans cette responsabilité le moteur même du progrès de la société et du progrès individuel des hommes. Vous pouvez applaudir, ça me permet de boire un coup !

Et il y a un grand courant démocrate en formation dans le monde. Et le monde a besoin de ce courant.

En Chine, démocrate, cela veut dire résistant. Au Japon, démocrate, cela veut dire, ça va se passer ces jours-ci, défenseur du changement. Aux Etats-Unis, démocrate, cela veut dire hommes et femmes de progrès.

Et bientôt en Afrique, et bientôt en Amérique du Sud, et bientôt dans l’ensemble du sud-est asiatique, et déjà en Inde avec le Parti du Congrès, une internationale démocrate se formera.

Et chez nous, en Europe, vous avez vu vendredi avec Nick Clegg, ce qu’il y a d’énergie chez les Libéraux démocrates, vous avez vu avec Sandro Gozi qui nous apportait le salut de Francesco Rutelli et de Romano Prodi ; en France avec nous et bientôt, je le crois, dans l’ensemble des pays européens, l’organisation des démocrates dira que l’avenir ne se résume pas à la fatalité et à la soumission aux dominants. C’est notre message pour le continent européen et pour notre pays.

La question est celle-ci : soumission ou résistance au modèle dominant dans le monde ?

Il y a un modèle dominant, extraordinairement efficace, extraordinairement puissant, extraordinairement performant, comme on dit, si du moins on considère que la performance se mesure uniquement à la puissance.

Ce modèle dominant, contrairement à ce qu’on dit en France, on ne doit pas le qualifier de « libéral ».

Du libéral, de la liberté, il en faut, et je ne crois pas que l’on puisse construire un projet de société humaniste qui ne prendrait pas en compte les principes qu’ont exprimé les grands penseurs libéraux. La liberté, c’est le premier des droits de l’homme, et comme vous le savez, l’habeas corpus l’a dit pour l’ensemble de l’Europe. Et la liberté c’est la condition d’une économie en bonne santé et d’une société en bonne santé.

Ce modèle, c’est le modèle « inégalitaire », et même le modèle super-inégalitaire, que j’ai appelé récemment dans la revue « Commentaire » le modèle d’inégalité croissante. Le modèle où les inégalités s’accumulent, au travers des générations. Des fortunes très vite faites, notamment dans l’univers financier, et par la suppression des droits de succession, l’accumulation de patrimoine, l’accumulation du capital, qui se poursuit sur plusieurs générations, faisant de l’inégalité croissante le principe même de ce modèle.

Une étude a parue cette semaine montre que l’augmentation du niveau de vie des Etats-Unis ces dernières années a profité, entièrement, aux 5 % les plus riches de la population américaine, et pour la moitié au 1 % les plus riches. Les 95 % autres, ceux qui travaillent, ceux qui triment, et qui travaillent beaucoup, et qui travaillent plus que nous, pour créer une croissance de l’ordre de 4 % par an, ceux-là ont stagné ou reculé ! Et cela est rendu possible, évidemment, par la pression continue que crée sur le marché du travail une immigration très importante, de l’ordre de 1,5 million / 2 millions de personnes par an, bien contents d’échapper à leur misère -et comment le leur reprocherait-on ?- et dont la présence toujours plus nombreuse explique que le prix du travail non qualifié baisse constamment. C’est une société inégalitaire, et ce n’est pas l’aspiration de la société française.

Je veux être parfaitement objectif : cela a été pensé, non pas voulu, mais pensé : l’inégalité croissante comme moteur des sociétés -et c’est un moteur bigrement puissant- l’accumulation continue de capital au profit de quelques-uns ; la prééminence de l’univers financier, obsédante, qui fait que ce qui défile constamment au bas des écrans des chaînes d’information, inlassablement, ce sont les cours de la bourse ; l’influence incroyable de cet univers sur la politique américaine, puisque ce sont ceux-là, les mêmes, qui paient les campagnes des deux camps, tout cela c’est un modèle de société, et ce n’est pas le nôtre.

Je croyais, je crois, je croirai toujours que face à ce modèle dominant, quand bien même tout le monde plierait, il y aurait toujours dans le monde une résistance, et que cette résistance, c’est celle de la France !

Inégalité comme principe, ou égalité comme recherche, ceci définit deux projets de société. Égalité ne se résume pas à égalitarisme. La recherche de l’égalité réelle, de droits et de devoirs, a besoin d’être redéfinie, elle ne l’a pas été depuis longtemps.

Et si j’ai eu depuis si longtemps une confrontation avec Nicolas Sarkozy, une confrontation politique, une confrontation sur le fond, c’est sur ce modèle de société.

Voyez-vous, je connais Nicolas Sarkozy depuis longtemps. Nous sommes de la même génération. Nous avons exercé à peu près au même âge des responsabilités – Marielle peut en dire quelque chose, elle qui coordonnait les Etats Généraux de l’Opposition au début des années 90 avec Alain Madelin et Nicolas Sarkozy.

J’admire son énergie, et il le sait. Je le lui ai dit. Il est brillant. Il ne baisse jamais les bras. Il sait communiquer. Il est tous les jours à la télévision, il est infatigable (c’est plutôt nous qui sommes fatigués, d’où la fortune de l’idée d’une journée par an sans Sarkozy à la télévision…), il est brillant, je lui ai dit qu’il est « vaillant », il s’occupe de tous les sujets, il a de l’organisation. Je ne suis pas en guerre avec lui, et encore moins en guérilla, parce que j’ai toujours pensé que quelle que soit la place qu’on occupe, au pouvoir, où il est, et même au pouvoir absolu, on va y revenir … ou hors du pouvoir, où nous sommes et où nous avons choisi d’être, quelle que soit la place qu’on occupe, on est co-responsables de l’avenir du pays, et il faut exercer cette responsabilité.

Je n’ai pas de contentieux personnel avec lui, nous n’avons pas de cadavre dans les placards.

Mais j’ai avec lui un conflit de valeurs. J’ai une confrontation sur les valeurs et cela va bien plus loin qu’une divergence sur les « mesures », comme on dit, qu’il faut décider et prendre. Les valeurs, c’est ce qui donne sens à la vie.

J’ai été frappé depuis longtemps et je le suis encore plus depuis qu’il est au pouvoir, que tous ses choix montrent, même si parfois je soupçonne qu’il ne s’en rend pas compte, ou qu’il en minimise la portée, ses choix montrent qu’il conduit la France non pas à la résistance contre ce modèle dominant, mais à l’alignement sur ce modèle dominant !

Les signes multipliés au monde de l’argent, au CAC 40, aux milliardaires, à l’univers du Fouquet’s, la « pipolisation » de la société, les vedettes éphémères, la vedettarisation de la politique, la jubilation des hot-dogs avec Bush père, Bush mère, Bush couple, - et que j’ai aimé ce jour-là que Cécilia Sarkozy ait une angine blanche !- et qu’aussitôt rentré on se précipite, toutes affaires cessantes, pour envoyer le ministre des Affaires étrangères en Irak, pour y dire tout haut ce que l’administration américaine pense tout bas, et que le ministre de la Défense vienne et explique sans précaution, sans introduction, que, toutes affaires cessantes, il faut cesser de « chipoter » et qu’il faut dare-dare rentrer dans l’OTAN, tout cela - chacun des gestes, pris individuellement, pourrait être maladresse, hâte de novice, geste improvisé – eh bien tout cela fait un système, et ce système, je le crois, ce n’est pas le choix fondamental, historique, des valeurs de la France.

Je m’arrête un instant sur cette déclaration du ministre de la Défense sur l’OTAN. On peut discuter, on peut réfléchir, à un nouvel équilibre du monde qui construirait un pilier européen de la défense, qui se placerait face aux Etats-Unis et avec eux, à égalité de droits et de devoir. Ce n’est pas un médiocre sujet de réflexion, Philippe Morillon sait ce qu’il en est. Mais que le ministre de la Défense, dans l’exercice de ses fonctions, à l’université d’été de la Défense, présente ces quarante années d’indépendance ombrageuse de notre pays, comme du « chipotage », comme du « barguignage », ces mots péjoratifs, ces mots condescendants, ces mots qu’utilisent les machos qui se moquent des vieilles filles, alors il y a là en effet une rupture avec ce qui a été la grandeur, l’horizon, non pas le rêve, mais l’idéal d’indépendance de la France dans le monde.

Et que ce soient des ex-gaullistes qui proclament cette politique du « rentrer dans le rang, vite, dare-dare, et le plus tôt sera le mieux, et que la France en finisse avec ses scrupules, avec ses combats », alors on comprend que la formation du gouvernement, ce n’est pas un hasard, c’est qu’il y a un lien profond depuis longtemps entre ceux qui occupent ces responsabilités, et l’on se souviendra alors des débats sur la guerre en Irak, et de qui disait non, et de qui voulait qu’on se range…

C’est une question de valeurs ! Et c’est pour moi un constant sujet d’étonnement, et de méditation.

Tous les hommes, je ne dis pas politiques, mais à coup sûr les hommes d’Etat français, depuis le premier jour de la cinquième République, tous ont partagé implicitement le même patrimoine de valeurs profondes. Qu’ils fussent de droite, de gauche, du centre, et pour certains au-dessus, ils avaient des qualités et des défauts, mais ils avaient en commun une chose : ils ne s’alignaient pas. Ils étaient les détenteurs et les porteurs et les garants de cette flamme de l’indépendance française, et de cette idée que nous, France, parmi les nations, notre destin était de porter des valeurs universelles pour le monde ! Tous ! Chacun à son rang, à sa place, à sa manière, Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac.

Et dans cette chaîne, voilà la rupture. Les mots ne sont jamais choisis au hasard. Vous comprenez bien que les hommes dits de droite et les hommes dits de gauche, et ceux du centre, ont également maintenu –vous vous souvenez de cette devise orgueilleuse, « je maintiendrai ! »- ont également porté le drapeau. Et pour la première fois, avec des grands mots, avec de grandes figures, avec des citations à la pelleteuse de Jaurès, de Clémenceau, avec le pauvre Guy Môquet que l’on met désormais à toutes les sauces, et les moins séantes ! et dont au bout du compte, évidemment, je le dis avec tristesse, la mémoire sera la première à souffrir, parce que l’émotion vraie va mal avec l’overdose, avec tous ces grands mots, avec toutes ces grandes déclarations, en réalité, au-dessous, l’œuvre entreprise, c’est l’alignement de la France sur le modèle qui domine le monde et, ça durera quelques mois encore, sur l’administration qui l’incarne le plus ouvertement !

Le modèle où l’on vénère l’argent, non pas l’économie, non pas la création, non pas l’entreprise, mais où l’on propose l’argent comme valeur. La ministre de l’économie l’a dit, naïvement peut-être,  sans nuances. Elle a dit : le but du gouvernement, c’est de « réhabiliter l’argent, corollaire du succès… ».

Je pensais qu’il y avait bien des choses à réhabiliter en France : l’effort, l’esprit critique, l’idée de justice, l’esprit démocratique, la séparation des pouvoirs, le respect des citoyens, l’amour de la liberté, mais j’avoue qu’il ne m’était pas venu à l’esprit que le but d’un gouvernement de mon pays pût être de réhabiliter l’argent. J’avais même l’impression qu’il se réhabilite bien tout seul, dans la société où nous vivons !

Et je conteste, en tant que père de famille, que le gouvernement vienne me dire que l’argent est le « corollaire du succès ». Comme père de famille, comme tous les pères et toutes les mères de famille de France, comme éducateurs, nous passons notre vie, et c’est parfois difficile, songez aux cités où l’on voit les trafics de sa fenêtre, nous passons notre temps à expliquer qu’il y a autre chose dans la vie, d’autres dignités, d’autres grandeurs, d’autres succès que l’argent ! Et nous aimerions bien que le gouvernement nous aide dans cette  bataille qui consiste à transmettre à nos enfants une hiérarchie des valeurs, morales, intellectuelles, philosophiques, spirituelles !

L’argent, les biens matériels, il en faut, il y a beaucoup de gens qui en manquent, quelque chose me dit qu’il y aura dans les mois qui viennent, beaucoup de Français qui en auront moins. Et c’est vrai qu’il faut une politique qui permette à la France de trouver une croissance nouvelle, un emploi nouveau, comme nous le proposions pendant la campagne électorale.

Mais je crains que précisément cette orientation de fascination et de complaisance pour la réussite financière mette en cause, le jour venu, et il viendra très vite, la politique de rigueur qui se profile à l’horizon de cette rentrée.

Je considère que c’est une grande occasion manquée. Pour la première fois dans notre histoire nationale, et je crois pouvoir le dire, en partie grâce à notre campagne … pour la première fois, le déficit et la dette qui nous plombent et nous plomberont dans les décennies qui viennent, étaient devenus un sujet politique et une préoccupation pour les Français. Pour la première fois, notre peuple avait pris conscience qu’il y avait dans cette facilité un handicap et une injustice. Et il était prêt à l’effort.

Au lieu d’aller dans le sens de l’effort, les premières décisions du gouvernement, les premiers votes de la majorité ont été, au contraire, pour distribuer 15 milliards d’euros que la France n’avait pas, aux plus aisés de nos compatriotes. On a aggravé le déficit du pays alors qu’il fallait le réduire, on l’a aggravé toutes affaires cessantes, pour faire selon le mot du ministre des Finances allemand, des cadeaux à une clientèle électorale. Et bien sûr, ce n’est pas juste. Mais mon inquiétude va au-delà : je crains que ce ne soit contre-productif.

Car si on voulait dépenser cet argent, il fallait le concentrer sur la production et sur l’emploi : c’est ce que je proposais à ma manière, même s’il y en avait peut-être d’autres, de faire avec les deux emplois sans charges. Il ne fallait pas le diriger vers la consommation qui relance en effet l’économie, mais principalement l’économie des pays chez qui nous allons chercher des biens de consommation. Et c’est pourquoi je n’ai jamais cru que nous obtiendrions une relance de la croissance comme on nous le racontait… Et je n’étais pas le seul de cet avis, je veux rappeler le rapport Pébereau, qui disait qu’il ne fallait pas actuellement baisser les impôts…

Plus encore, quand le moment viendra, -et il vient, d’ici quelques jours si mon intuition est juste !-, où en raison de ces décisions nous allons être rattrapés par la réalité, par nos engagements, par l’impératif des comptes qui dérapent, alors ces largesses vont revenir en boomerang, et les Français vont répondre : « vous nous demandez des efforts à nous qui avons peu, pourquoi alors avez-vous été si généreux avec ceux qui ont beaucoup ? »

Ces décisions, ces largesses, ces cadeaux, ce climat de facilité totalement artificiel dans lequel on a fait baigner la France pendant les premiers mois de ce mandat, ils ont empêché de faire la pédagogie de la réforme, qui est la moitié de son succès. Et comme il n’y a rien de plus fort que les symboles, ils ont symboliquement, à l’avance, fragilisé le crédit des réformes que nous allons devoir faire.

Et bien sûr, il y a dans la majorité beaucoup de femmes et d’hommes, beaucoup de responsables et nous le connaissons, y compris dans le parti majoritaire, y compris des femmes et des hommes de droite, y compris des femmes et des hommes libéraux, qui, sans pouvoir le dire, sans oser le dire, partagent cette inquiétude.

Mais -et c’est un drame pour la France- nous avons des institutions qui interdisent la parole libre. Pour parler librement en France, il faut, vous le savez bien, avoir le sens du sacrifice !

Il faut affronter la disgrâce, dans ce pays où, bien plus que ça n’a jamais existé, c’est la faveur du prince qui fait tout : les nominations, les subventions, le bruit favorable, ou au contraire le noir de la réprobation et du silence.

Nous avons des institutions et une pratique institutionnelle qui sont, je le dis en pesant mes mots, indignes d’un grand pays comme le nôtre, indignes d’une démocratie, qui nous font régresser ! Nous, le pays de la Révolution, nous acceptons tous les jours quelque chose qui n’est accepté dans aucun autre pays du monde démocratique : nous acceptons l’absolutisme présidentiel ! et cet absolutisme présidentiel est un handicap, un facteur de retour en arrière pour notre pays.

Le président de la République décide de tout, tranche sur tous sujets, le gouvernement a disparu, sauf ceux qu’épisodiquement distingue la faveur qui vient d’en haut, le Premier ministre est ravalé publiquement au rang de « collaborateur » (je crois qu’il l’a mal pris, il a bien fait), les ministres - on nous en avait promis quinze, ils sont plusieurs dizaines, chacun avec leur cabinet et tout leur appare, et leur incognito. Chacun pour être bien vu du pouvoir, du président ou de sa femme qu’on décrit comme toute-puissante dans l’ombre, se précipite dans un concours de lèche permanent, le cirage de pompes est devenu un sport national dans notre pays. Les journaux économiques les plus sérieux vous expliquent que les grandes décisions qui vont concerner l’avenir économique de la nation et l’Europe ne peuvent être prises que par le président lui-même, et que derrière chaque grande décision, vérifiez, vous verrez dans les articles, il y a un tel qui est « proche », je ne sais pas ce que sont les « proches », il y a un « proche » du président de la République. Et l’absolutisme présidentiel est devenu tel que le secrétaire général de l’UMP s’est cru obligé de faire une très sérieuse déclaration publique pour dire qu’il va falloir très vite que l’on règle en France le statut de l’épouse du chef de l’État « il faut le faire, dit-il, nous sommes en retard, les monarchies ont traité cette question depuis longtemps » !  Il faut que notre pays sorte de cet archaïsme … En quel temps vivons-nous qu’il faille rappeler au premier responsable du parti au pouvoir que précisément, s’il le veut bien, s’il l’accepte, il y a une petite différence, une nuance, c’est que nous ne sommes pas une monarchie, nous sommes une République et nous avons bien l’intention de le rester !

La République, en France, est garante de la démocratie, et la démocratie est la protection de la République ! Et la Constitution le consacre : « la République est démocratique, laïque et sociale ».

Et c’est pour cela que la réflexion qui est ouverte sur nos institutions, à laquelle vous avez participé, Michel Mercier …, est si fondamentale.

Nous nous fixons comme but, comme citoyens, de faire sortir la République de l’absolutisme et de la faire entrer dans l’ère nouvelle d’une authentique démocratie, comme celles qui existent dans les pays du même niveau de développement que le nôtre.

Et pour cela de retrouver la pierre de fondation de toute constitution démocratique, qui est la séparation des pouvoirs.

C’est tellement important, la séparation des pouvoirs, que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, écrit solennellement qu’un pays qui ne respecte pas la séparation des pouvoirs « n’a point de constitution ».

Il faut clarifier les choses d’abord : écrire que le président « détermine » la politique de la nation, le gouvernement la « conduit ». Que le président « nomme » et « met fin » aux fonctions du Premier Ministre, on mettra ainsi le droit en accord avec le fait et avec la logique. Certains bons esprits pensent qu’il faut mettre un terme à la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale ? Je pense qu’il faut la maintenait. On écrit une Constitution pour les temps où ça va mal, car il peut y avoir des crises. S’il n’y a pas ce recours de la censure, il n’y a plus d’autre recours que celui de la rue !

C’est le judiciaire. Il y a de grands doutes, y compris parmi les magistrats. Il faut instaurer l’indépendance de la justice en France, et je pense que ça passe par le statut du Garde des sceaux. Je pense qu’il ne doit pas être un Ministre comme les autres, parce qu’il est responsable de la politique pénale, parce qu’on se tourne vers lui quand il y a des attentes du côté de l’indépendance. Il doit être nommé par le Président de la République et investi par l’Assemblée nationale par un vote à la majorité qualifiée, reflétant l’accord des grandes tendances du pays, pour qu’il représente le peuple français. Je propose qu’il préside le Syndicat de la Magistrature, soit le garant de cette indépendance et de cette protection à laquelle les magistrats ont droit dans un pays libre.

Et il y a le Parlement. Le seul moyen de rendre au Parlement le pluralisme et l’indépendance, la parole libre, c’est une part substantielle des sièges à la proportionnelle. Parce qu’un peuple ne doit pas être représenté uniquement par ses majorités – un des principes de la démocratie, c’est la protection des minorités par rapport à la majorité. Je suis de ceux qui pensent importante la « dynamique majoritaire », j’ai proposé que la moitié des sièges soient au scrutin majoritaire, il y a la demande que les citoyens puissent élire directement leur député. C’est conciliable : j’ai démontré à la Commission Balladur qu’il suffit d’un petit nombre des sièges pour le faire. Il suffit que les sièges distribués à la proportionnelle corrigent les excès du scrutin majoritaire : 10 % des sièges suffisent. En 2007, trois formations ont passé la barre des 5% : nous aurions obtenu 32 sièges si la moitié de l’Assemblée avait été élue à la proportionnelle. Nous en avons obtenu 4, il suffisait d’en ajouter 28. Si même le FN avait dépassé 5%, il aurait eu droit à 15 sièges ; 28+15 = 43 donc avec un tout petit nombre de sièges on peut obtenir un résultat de justice. Il n’y a donc aucun obstacle de principe pour qu’on réalise la justice dans notre pays, il n’y a qu’une question politique : est-ce qu’on veut l’égalité des citoyens devant le suffrage ou est-ce qu’on la refuse ?

Le rapport dit Weill-Raynal du Parti socialiste disait à la fin des années 1970 : électeurs de gauche à Neuilly, de droite à Saint-Denis, votre suffrage compte à jamais « pour du beurre ». Ce n’est pas normal : citoyen français, il n’y a aucune raison de vous écarter de la représentation.

Et il reste la grande question des médias. Leur indépendance, leur pluralisme, devrait être protégé explicitement par la Constitution. Et je ferai une proposition en ce sens. Certains diront que ça n’arrivera jamais ? Je voudrais développer un point de vue plus optimiste.

Les conditions politiques de la réforme de la constitution font que la majorité ne peut pas faire adopter cette réforme seule. Elle a besoin des voix du Parti socialiste ou des nôtres. Nous avons donc un devoir pour peser sur une décision aussi importante. C’est dans ce contexte que je proposerai, avec Michel Mercier, une rencontre à François Hollande et aux présidents des groupes minoritaires à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est un des rares cas où le pouvoir et la majorité ne peuvent pas tout. Cela nous crée un devoir, c’est pourquoi je propose d’en parler avec les grands courants démocratiques du pays, pour que nous fassions notre travail de réformateurs.

Nous avons voulu cette indépendance. Nous allons assumer ce renouvellement de ceux qui se présentent aux suffrages des Français, et je vais naturellement parler des municipales.

L’indépendance que nous avons voulue et forgée, et dont nous avons parlé longuement hier soir, même si nous ne sommes qu’au début de notre chemin, change déjà le paysage politique de notre pays.

Dans bien des villes, des deux camps, nous viennent des appels à des listes communes. On entend sur notre droite et notre gauche des sollicitations pour des rassemblements inédits, cela fait bien longtemps qu’il n’y a pas eu toutes ces sollicitations !

Dans le plus grand nombre de cas, nous allons devoir faire en sorte que des rassemblements se produisent au premier, ou au second tour, car la ligne que je défendrai, c’est que nous soyons présents dans le plus grand nombre de villes de façon indépendante au premier tour, car le renouvellement choisi par les citoyens est plus important que celui que l’on concède. Mais je sais qu’il y aura des cas où il faudra regarder avant le premier tour, envisager des majorités de rassemblement.

J’ai un critère qui est notre marque de fabrique (je m’adresse à tous ceux qui vont être candidats et j’ai un regard particulier pour Marielle de Sarnez car il y aura beaucoup d’attention sur les municipales de Paris). Que la minorité soit exclue de toutes les décisions, c’est archaïque ; les décisions de tous les jours sur l’urbanisme, la culture, l’école, l’université… exigent que l’on fasse attention à tous les grands courants de la ville. Je défendrai donc l’idée que ceux avec qui nous accepterions de nous allier acceptent le pluralisme et le rassemblement au-delà des frontières de leur camp.

Proposons aux Français une conception nouvelle de la vie politique municipale, où l’on peut rassembler des gens de conviction différente pour aider les problèmes de la vie de tous les jours. Ce sera une condition sine qua non à notre participation aux coalitions ou majorités de rassemblement, nécessaires pour que les villes soient gouvernées. Notre critère sera : nos partenaires seront ceux d’un bord ou de l’autre, nous n’avons pas d’ennemis dans le champ démocratique français, en tout cas nous imposerons comme article premier des majorités ouvertes et rassembleuses, et pas sectaires ou avec des œillères.

Et ainsi nous allons commencer, vivre ensemble dans les semaines qui viennent, la construction, le chemin qui consiste à défendre dans notre pays une idée d’une démocratie de plein exercice, dans laquelle les citoyens sont pris aux sérieux et pas seulement considérés comme des objets de communication. Tous les défis qui sont devant nous -je pense par exemple au Grenelle de l’environnement- ne pourront être relevés que si c’est notre conception du citoyen qui l’emporte.

Je suis persuadé que le travail que nous allons faire dans ce Mouvement, une proposition nouvelle dans le champ politique français et européen, que cette proposition de rassemblement est une bonne nouvelle pour la France.

Je vous remercie.

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