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Militant Haut-Rhinois du MoDem
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27 janvier 2009

M. Bayrou : "Les atteintes aux libertés se multiplient de façon inquiétante"

Article publié dans Le Monde du 27 janvier 2009.

Deux jours avant la journée de grèves et de manifestations auxquelles appelle l'ensemble des organisations syndicales, les députés devaient, mardi 27 janvier, débattre d'une motion de censure déposée par le PS. Celle-ci n'a aucune chance d'être votée, l'UMP disposant à l'Assemblée nationale d'une majorité absolue. Il n'en reste pas moins que les foyers de tension s'intensifient et que l'opposition se raidit. Dans un entretien au Monde, François Bayrou explique pourquoi il a décidé de voter la censure. Le président du Mouvement démocrate (MoDem) dénonce "la multiplication des atteintes aux principes de la séparation des pouvoirs et aux libertés publiques".

François Bayrou, pourquoi avoir décidé de voter la motion de censure contre le gouvernement présentée, mardi, par le groupe socialiste ?

 

Au mois de décembre 2008, j'avais proposé à plusieurs reprises le dépôt d'une motion de censure en raison des atteintes répétées à la séparation des pouvoirs et aux principes nécessaires aux libertés publiques. A l'époque, le Parti socialiste avait décidé de ne pas assumer une telle démarche. J'étais persuadé qu'il se trompait, et il revient aujourd'hui sur cette position. Il y a des moments et des situations où il faut dire haut et fort que ça ne va pas. J'ai des différences avec le texte déposé par le PS. Mais l'essentiel est qu'un acte solennel montre au pays qu'un signal d'alarme s'allume. Pour que nul ne puisse dire : nous ne savions pas. J'ai donc décidé de voter la motion de censure.

 

Vous vous rangez clairement dans le camp de l'opposition ?

 

C'est plus profond : je défends les principes républicains. Quand je pense que des décisions sont justifiées, je les soutiens. Quand je pense qu'elles sont dangereuses, je le dis. Cette liberté et cette indépendance sont les principes de ma démarche.

Dans sa motion de censure, le PS explique qu'il entend défendre une politique alternative contre la crise économique et sociale. Est-ce que vous le rejoignez sur ce point ?

 

Dès le mois de décembre, considérant que le plan actuel ne suffirait pas, j'ai proposé une politique de relance différente. Premièrement, je plaidais pour un grand emprunt européen de l'ordre de 3 % du PIB. Deuxièmement, je proposais une aide aux familles modestes, un livret d'épargne crise, dont le montant pourrait atteindre 1 000 euros. Enfin, je suggérais des investissements, notamment universitaires, ou en termes de réseaux. Le plan du PS est assez proche de cette architecture.

Mais d'autres idées doivent être défendues : il y a pour moi quelque chose qui n'est pas acceptable dans l'action du gouvernement. On n'arrête pas de sortir des dizaines de milliards pour les banques, mais sans exiger les contreparties qui s'imposent. Encore hier, on a annoncé qu'elles allaient recevoir 5 milliards, fléchés vers Airbus.

L'Etat ne peut pas mobiliser ces sommes astronomiques sans prendre, en contrepartie, les sièges au conseil d'administration qui doivent lui permettre d'exercer sa part de la gouvernance des établissements, de se faire entendre aussi bien pour la rémunération des dirigeants que pour le soutien au crédit. Il existe d'ailleurs, je crois, une disposition législative, en date de 1935, qui oblige l'Etat lorsqu'il atteint 10% des fonds propres d'une banque à nommer au moins deux administrateurs.

Le premier ministre, François Fillon, appelle à l'unité face à la gravité de la situation. Vous n'êtes pas sensible à cet appel ?

 

L'unité commence par les respects des règles républicaines qui nous font vivre ensemble. Or, aujourd'hui, il ne se passe pas de jour sans qu'on constate une atteinte au respect de ces règles, avec un président de la République qui transgresse tous les jours les principes de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir médiatique sont tous les trois soumis à sa volonté de domination. C'est impossible à accepter.

Au point de justifier une motion de censure ?

 

Evidemment, oui. Par exemple, la décision d'accorder au président de la République le pouvoir de nommer les responsables de l'audiovisuel public et de rendre leur budget dépendant chaque année de la majorité en place crée une double dépendance. Aucune opération de diversion autour de la redevance ne peut masquer ce recul des libertés publiques.

Pourtant, au Sénat, la majorité du groupe centriste, dont son président, Michel Mercier, a voté le texte…

 

Certains sénateurs l'ont voté; pas ceux qui partagent mon analyse. En même temps, Nicolas Sarkozy annonce qu'il va faire sauter le seuil de concentration dans les médias. Je considère cela comme une régression : la lutte contre les concentrations est essentielle dans tout pays de liberté.

En quoi la réforme du travail législatif, qui a déclenché un tel tohu-bohu à l'Assemblée nationale, est-elle condamnable ?

 

Le législatif est de plus en plus soumis à l'exécutif. Avec la réforme du règlement de l'Assemblée, la liberté du Parlement et des parlementaires représentant le peuple va être encore davantage mise à mal. J'espère que le Conseil constitutionnel rappellera que le droit d'amendement de chaque parlementaire est un droit inaliénable et personnel, qui ne se délègue pas à un groupe, dans un pays où les députés sont élus personnellement par le peuple.

Même transgression des principes lorsque le président de la République va participer en tant que tel au conseil national de l'UMP, s'affirmant comme un chef de parti et portant ainsi atteinte à un principe essentiel de la fonction présidentielle, chef de l'Etat et non chef de la majorité, défenseur de notre démocratie et non pas chef de clan.

Enfin, pour ce qui est de la justice, à partir du moment où l'enquête serait confiée au parquet placé sous l'autorité hiérarchique du gouvernement, le bon vouloir de l'exécutif deviendrait souverain. Il pourra à sa guise laisser apparaître les affaires ou les dissimuler. Rien de tout cela n'est acceptable dans un Etat de droit.

La pratique du pouvoir par M. Sarkozy menace-t-elle les équilibres de la société française ?

 

Sans aucun doute. Les atteintes aux libertés se multiplient de façon infiniment inquiétante. Je ne veux pas me retrouver dans un pays soumis à l'arbitraire d'un seul. Il est de la responsabilité des acteurs de la vie civique d'éveiller la société. On est à un tournant.

Au début du quinquennat, certains pouvaient soutenir que ces entorses étaient seulement une question de style. Aujourd'hui, c'est une question de textes : on fait entrer dans la loi et dans les institutions des manquements qu'aucun républicain et aucun démocrate ne doit pouvoir accepter.

Propos recueillis par Patrick Roger

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