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20 août 2010

"Tête brulée des Pyrénées" le Portrait de Jean Lassalle par Libération

Jean_Lassalle

Libération dresse, dans son supplément de ce jour, Jeudi 19 Août 2010, un portrait de Jean Lassalle, Fondateur et Vice président du Mouvement Démocrate, député des Pyrénées-Atlantiques.
Retrouvez le portrait intitulé "Tête brulée des Pyrénées" paru ce jour sur cet élu de terrain, Homme de coeur et de convictions et défenseur des populations de montagne à travers le Monde.

Source libération.fr

par Christophe Forcari

Jean Lassalle tonne et détonne. La voix d’abord, qui roule les cailloux posés au fond du ruisseau, celui qui parcourt le lit de sa vallée et son village natal de Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques), dont il est maire depuis 1977. La silhouette ensuite, longue à n’en plus finir, le visage taillé au couteau, et une coupe en brosse, plus par facilité que recherche de style, de mode ou d’élégance, qui ne le préoccupe d’ailleurs que fort peu. Le béret basque posé sur la tête à la première occasion. Rien à voir avec l’allure «moderne» des jeunes premiers de la politique, ces louveteaux aux dents aiguisées et stars montantes de la scène publique. Rien à voir non plus avec le style vieille France - costume strict et cravate de bon ton - des notables établis, cultivé par la majorité des députés. Et puis un regard. Qui vous vrille, qui ne vous lâche pas, qui cherche autant la compréhension que la franchise dans celui de son interlocuteur. Sans tricherie. L’homme de la verte vallée pyrénéenne ne dissimule pas. «Ce type est un ovni. Il est imprévisible», dit de lui un député qui l’a bien connu au temps du groupe UDF, alors sous la houlette de François Bayrou, le chef de bande.

«Héros de Kipling»

Jean Lassalle, député de la 4 e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, natif d’un village coincé entre la vallée d’Aspe et celle de Barétous, au cœur du Béarn, se classe parmi les atypiques. «Pas excentrique»,précise-t-il, mais «centriste de l’extrême»,ultime député à être resté fidèle à François Bayrou. «C’est le dernier homme des temps héroïques», le salue un soir le patron du Modem, à l’issue d’une université d’été du parti.

Le leader centriste aurait pu ajouter que Jean Lassalle ignore tout du sens de la mesure. «Il tient de l’antique. Il est à la fois le preux chevalier, le Robin des bois et un peu aussi Don Quichotte, l’homme seul qui croit pouvoir changer le monde», poursuit son ami de plus de trente ans, un vrai pour le coup. François Bayrou ouvre le Petit Robert à portée de sa main et lit les quatre définitions du mot «héros» : «Eh bien, vous voyez, Jean Lassalle correspond parfaitement. Il mène des combats qui, pour un esprit classique et rationnel, peuvent paraître déraisonnables. Le héros n’emprunte jamais les chemins ordinaires.» Il n’est pas rare que les deux Béarnais échangent au téléphone dans leur langue, parfois même devant des témoins quelque peu interloqués.

«Quand il parle, la sève monte du sol jusqu’à sa bouche», commente à son tour André Chassaigne, le député communiste du Puy-de-Dôme. Un ami avec qui Jean Lassalle avait pris l’habitude de saucissonner, autour d’une bouteille de vin de pays, le dimanche soir, au retour de leur circonscription respective. Ils se retrouvaient dans l’un ou l’autre de leurs bureaux, à l’Assemblée nationale, avant d’entamer la semaine parlementaire. L’Auvergnat a même fait le déplacement dans les Pyrénées au moment des fenaisons. «Quoi qu’il arrive, je le défendrai toujours quand il est attaqué pour son côté décalé et excessif», poursuit l’élu, venu comme son homologue d’une région de montagne en voie de désertification. «C’est un homme de son terroir, de sa vallée, un être humain dans le sens plein du terme, comme les héros de Kipling ou de Conrad, avec ses doutes, ses faiblesses et aussi sa grandeur», ajoute, dithyrambique, un autre de ses collègues.

Le parlementaire suscite les commentaires avec excès. Et excessif, Jean Lassalle sait l’être, naturellement et sans préméditation. Par instinct. «Je prends des décisions parce qu’elles s’imposent à moi. Je ne les conçois pas.» Ce grand échalas confesse avec un brin de fierté «être capable de tout». «Il a des intuitions exceptionnelles qui ne tiennent pas à la rationalité mais à des facteurs émotionnels», ajoute le patron du Modem.

Un héros ne saurait exister sans une épopée. Celle de ce fils de berger, un temps berger lui-même, se fonde sur trois hauts faits d’armes. Le premier remonte au 3 juin 2003. Alors que le ministre de l’Intérieur de l’époque, un certain Nicolas Sarkozy, s’apprête à prendre la parole lors de la séance des questions au gouvernement, ce jeune parlementaire- il vient seulement d’être élu aux législatives de 2002 - déplie sa longue silhouette. Depuis sa place, il entonne de sa voix de stentor le Se canto, l’hymne des Pyrénéens en quelque sorte. «Je me suis rendu compte que l’Assemblée nationale possédait une acoustique exceptionnelle», en rigole-t-il encore. L’auguste hémicycle, qui en a pourtant vu d’autres, ne s’attendait pas à cela. Le futur chef de l’Etat en reste coi et, du haut de son perchoir, Bernard Accoyer marque un moment d’atermoiement, se demandant ce qui se passe. Lassalle n’a prévenu aucun collègue de son coup d’éclat. Même pas son «pays» béarnais François Bayrou. «Quand j’ai pris ma décision, je n’en ai parlé à personne. Surtout pas à François, car il aurait essayé de me dissuader. Je me suis levé, j’étais habité», raconte le député, assis à la table de la ferme familiale.

«Avec lui, la politique devient parfois un sport violent.» François Bayrou hausse les yeux au ciel. «Quand il a chanté, je lui ai demandé : "Mais pourquoi as-tu fait cela alors que je suis là ?" Vous savez, avoir un Lassalle à ses côtés, c’est fabuleux, mais ce n’est pas toujours facile. Et il m’a répondu : "Parce que toi seul es capable d’expliquer une telle folie"», poursuit, admiratif, le leader centriste. Quelques jours avant, Jean Lassalle avait pris soin de mettre en garde Nicolas Sarkozy. Sans ménagement. «Ecoute, Sarko, tu ne veux pas m’entendre, mais un jour tu seras obligé de m’écouter. Je ne frappe jamais sans prévenir», l’avait-il averti, en lui broyant l’avant-bras à la sortie de l’hémicycle.

Motif de son ire, la fermeture d’une brigade de gendarmerie sur la route qui mène au tunnel du Somport dont il a été l’un des plus ardents militants. «Avec cette chanson, j’ai voulu interpeller l’Etat tout en rappelant notre identité.» Le député n’a pas supporté que les pouvoirs publics ne tiennent pas leur engagement sur l’amélioration des routes qui mènent à ce tunnel, emprunté par des milliers de poids lourds en direction de l’Espagne, et que la sécurité la plus élémentaire ne soit pas assurée. Jean Lassalle n’a pas assisté à l’inauguration de ce tunnel pour lequel il avait œuvré. Aujourd’hui encore, il se refuse à l’emprunter pour aller en Espagne.

Le deuxième haut fait d’armes de la geste de Jean Lassalle remonte à 2006. Le 7 mars, le député s’installe dans la fameuse salle des Quatre Colonnes, lieu ou se croisent politiques et journalistes, l’endroit le plus exposé de l’Assemblée nationale. Il entend protester contre la décision de la société japonaise Toyal de délocaliser son usine du canton d’Accous vers Lacq. Dans la vallée, cela signifie la perte de 150 emplois. Il entame alors une grève de la faim qui dure trente-neuf jours, prenant fin le 14 avril, et qui lui fait perdre 21 kilos. Il en garde encore des séquelles. Mais il a gagné. Toyal a renoncé à délocaliser son activité. «Un soir, il m’a téléphoné en pleine nuit, vers 2 ou 3 heures du matin, pour m’annoncer sa décision de faire une grève de la faim. Il pensait tomber sur mon répondeur, raconte François Bayrou, je lui ai dit qu’il fallait que nous en parlions. Le lendemain, il est venu me voir. Je savais qu’il était inutile de chercher à le dissuader. Je lui ai conseillé d’aller chercher des bouteilles d’eau. Il s’est rendu au supermarché du coin et s’est installé dans la salle des Quatre Colonnes.» «"Quand tu as pris une décision, ne fais jamais marche arrière", me disait mon père. J’avais tout prévu. Même la déclaration devant notaire. Au cas où…» raconte Lassalle. Plus tard, soucieux de restaurer des liens amicaux avec les entreprises nipponnes, il s’invitera à un voyage au Japon conduit par Alain Rousset, le président de la région Aquitaine. Le Béarnais va alors rencontrer le PDG de Toyal, avec qui il aura une longue discussion d’une tension telle que la traductrice craquera et fondra en larmes avant de quitter le bureau. «Il me regardait dans le blanc des yeux et je n’ai jamais détaché mon regard du sien», se remémore Jean Lassalle.

«Fils de père humilié»

Le troisième fait d’armes, et certainement pas le moins important pour ce personnage, est d’avoir été élu en 2002 quasiment à main levée et à l’unanimité président de l’Association des populations des montagnes du monde, où siégeait, entre autres, Evo Morales, le futur président bolivien. Et qui figure aux côtés de ce dernier, sur la photo prise au balcon du palais présidentiel le jour de son investiture ? Jean Lassalle… qui a aussi connu le colonel Chávez alors que celui-ci était en prison.

Qu’est-ce qui fait marcher Lassalle ? Qui lui donne cette volonté inflexible ? Une certaine forme d’angoisse qu’il noie dans l’action. Pendant des années, il a fait preuve d’une terrible timidité, vaincue en devenant quinze années de suite l’animateur du festival de Siros, dédié à la culture béarnaise. Un point commun avec François Bayrou, qui est venu seul à bout de son bégaiement. «Après, j’ai voulu connaître toutes les filles de la vallée.» Un autre point commun est qu’ils ont perdu tous deux leurs pères très tôt. «Ils sont tous deux les fils de pères humiliés», note un proche des deux hommes. La mère de Jean Lassalle raconte comment, après la mort du père, l’exploitation agricole a connu des heures noires et comment les regards des habitants de Lourdios-Ichère se sont faits un peu plus lourds, voire méprisants, vis-à-vis de Jean, de son frère et de ses deux sœurs. Pour l’heure, il nous quitte pour aller nourrir les cochons, des pies noirs du pays basque, que sa femme engraisse, avant de confier à un spécialiste le soin de les transformer en salaisons qu’elle ira vendre sur le marché et que le député partagera, un soir au retour de sa vallée, avec son copain le coco, Chassaigne. Pour aller aux cochons, il a coiffé son béret basque.

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