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Militant Haut-Rhinois du MoDem
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8 septembre 2008

Interview de François Bayrou dans Libération : «Le Président agit comme s'il n'avait pas de comptes à rendre»

Interview publiée dans Libération le 4 septembre 2008.

"François Bayrou ouvre demain l'université d'été du Modem qui se tiendra jusqu'à dimanche à Cap Estérel (Var). Il dénonce «les abus devenus monnaie courante» de la présidence de Nicolas Sarkozy." Retrouvez l'intégralité de l'interview de François Bayrou dans Libération en cliquant sur cet article ou sur le site www.libération.fr

               

Christophe Forcari : Aujourd’hui, le Modem est-il le dernier recours pour les électeurs du Parti socialiste ?

François Bayrou : Evitons les jugements excessifs. Les positions que je défends sont inspirées par une certitude : pour faire un grand pays, dans la crise où nous sommes, il faut qu’il soit juste et respecte les principes d’une démocratie de plein exercice. En France, tout le contraire se déroule sous nos yeux, au grand étonnement de beaucoup de Français. Ils cherchent un recours, se demandent qui résiste et cherchent un autre chemin. C’est au nom de ces personnes que je m’exprime. Je n’oublie pas que, parmi ces Français qui s’inquiètent et parfois se désespèrent, il y en a beaucoup qui sont proches des valeurs et des idéaux de la gauche. Je parle aussi en pensant à eux. Mais je connais beaucoup de gaullistes qui ont un grand désarroi. Ce n’est pas affaire d’étiquette, puisque les dérives touchent des valeurs essentielles de la France. Quant au Parti socialiste, bien sûr, il traverse une crise grave dont chacun peut mesurer l’importance.

CF : Cette crise laisse le champ libre au Modem…

FB : Une analyse superficielle de la crise interne du PS conduirait à penser qu’elle se limite à une affaire de personnes, qu’il y a, en son sein, des "malfaisants», comme a dit l’un d’eux, des rivalités impossibles à maîtriser. A mon sens, ce n’est que la surface des choses. Ce qui est en cause, c’est l’idéologie même du PS, déracinée aujourd’hui de la réalité historique de la société française. Qui parmi les dirigeants socialistes pourraient aller à la télévision pour affirmer que le socialisme constitue l’avenir de la France ? Aucun. C’est ce déphasage idéologique dans un parti où l’idéologie était très importante qui, je crois, explique la crise.

CF : Quelle est l’alternative proposée par le Modem ?

FB : Si j’essaye de comprendre ce que veulent les Français au fond, je pense qu’ils veulent simplement une société humaniste. En politique, je ne connais pas de meilleur mot pour traduire ce mot «humaniste» que «démocrate». Alors, il faut en dire les principes. D’abord, mobiliser tous les moyens pour rendre la société française plus créative, non seulement en termes d’entreprises mais aussi dans le domaine de la recherche et celui de la culture. Ensuite, il faut que cette société soit juste. Plus la crise s’accentue, plus il faut d’équité dans les efforts demandés à chacun. Evidemment, l’actuel gouvernement a fait tout le contraire depuis un an et demi. Tous les détenteurs d’un livret, d’une assurance-vie ou d’un bien immobilier loué participeront au financement du RSA [revenu de solidarité active, ndlr] à l’exception des 300 000 foyers fiscaux les plus fortunés, protégés par le prétendu bouclier fiscal. Cette société créative, elle doit être durable, soutenable. Et cette pérennité porte autant sur le patrimoine écologique que sur la solidarité entre générations. Ce n’est pas durable si on transfère aux générations suivantes des charges insupportables, comme des océans de déficits publics. La France doit avoir conscience que ce modèle créatif, juste et durable, c’est une proposition universelle. Ce n’est pas une adaptation au modèle «américain» qui domine la mondialisation. C’est une résistance à cette domination. Et c’est pourquoi la France porte aussi un modèle européen, une certaine idée de l’Europe indépendante et forte. Dieu sait que ces jours-ci, du côté de la Chine ou de la Russie, tout nous montre l’urgence européenne. Enfin, dernier point, cette société doit offrir le visage d’une démocratie de plein exercice, inspirant la plus grande confiance à chaque citoyen.

CF : La France de Nicolas Sarkozy ne l’est pas ?


FB : Elle représente aujourd’hui tout le contraire de la démocratie exemplaire qu’on nous promettait. Regardez l’affaire Tapie. A mon sens, c’est le plus gros détournement d’argent public opéré uniquement sur une décision purement politique. Les auditions qui ont débuté à l’Assemblée nationale l’ont déjà largement montré. Le fichier Edvige est sans exemple dans les autres pays d’Europe. C’est un instrument de violation de la vie privée que l’on met entre les mains de l’exécutif. Sans parler de l’affaire corse, qui montre désormais qu’il existe un délit de lèse-copain de sa majesté comme autrefois le délit de lèse-majesté. Et j’en passe et des meilleures. Ce sont autant d’atteintes sournoises aux règles qui permettent de vivre ensemble en confiance, c’est-à-dire aux principes même de la République. Le président de la République agit comme si le pouvoir n’avait de comptes à rendre à personne, car tel est son bon plaisir.

CF : François Bayrou, premier opposant au chef de l’Etat ?


FB : Je ne fais pas de classement. Quand l’essentiel est en jeu, l’opposition et la volonté de résistance s’imposent comme des devoirs. Ce n’est pas confortable de dire non, c’est une épreuve quotidienne, mais il n’est pas possible de laisser la France devenir un pays où les abus deviennent monnaie courante dans tous les domaines. Mais je crois être entendu, même par des gens qui croyaient à l’existence de véritables gouffres idéologiques entre nous.

CF : Le Modem a-t-il vocation à rassembler les centristes éparpillés ?

FB : Le moment venu, ceux qui sont de bonne foi se retrouveront, je n’en doute pas. Je suis content de voir, par exemple, que dans l’affaire Tapie, comme avant 2007, Charles de Courson [député du Nouveau Centre] et moi défendons le même point de vue. Mais les rassemblements ne doivent pas être des affadissements. Quand l’essentiel est en jeu, il importe de faire des choix tranchés et de réaffirmer ses principes. A ce moment-là, on devient audible.

CHRISTOPHE FORCARI

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